Saisine no 2004-66
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité à la suite de la saisine, le 28 juillet 2004, par M. Noël Mamère, député de la Gironde
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie le 28 juillet 2005, par M. Noël Mamère, député de la Gironde, des circonstances du transfert de M.G. de V. de la prison de Poissy à la prison de Fresnes et de la suppression de la connexion Internet dont il bénéficiait pour suivre une maîtrise "en ligne" et travailler de manière indépendante pour des entreprises privées.
La Commission a examiné les pièces de la procédure.
Elle a procédé à l’audiotion de M. G. de V., de Mme P. directrice, de Mme B. directrice adjointe.
- Les faits
Incarcéré depuis 1991, M. G. de V. a été écroué à la Maison centrale de Poissy le 26 juin 1997.
Après avoir suivi un enseignement de remise à niveau de 1994 à 1997, G. de V. a préparé, à Poissy, un diplôme universitaire de Technologie en informatique, qu’il a obtenu en 1999, à Paris XIII.
Pourvu de ce diplôme, G. de V. a cherché un emploi mais l’impossiblité d’accéder à Internet pour le courrier électronique constituait un handicap majeur. En 2001, il a trouvé une société qui l’a embauché pour développer des logiciels à interface Web à destination d’une société alimentaire. Les données étaient échangées par disquettes, contrainte qui pesait sur le rendement.
En 2002, m’employeur a demadné au directeur de la centrale de Poissy, M.V de pouvoir échanger avec son employé via internet.
Le responsable du site de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) à Poissy a examiné le problème et en août 2003, un accord est intervenu entre l’administration pénitentiaire, l’employeur et la RIEp qui servait de relais permettant à g. de V. de recevoir sur disquettes les données en retour.
G. de V. soutient qu’il a pu ainis, travailler, en envoyant des e-mails réguliers. Il précise qu’il remettait les données sur uen disquettes à un surveillant, responsable de l’encadrement à la RIEP. Il y avait dont contrôle des disquettes.
Début 2003, G. de V. avec d’autres détenus, a poursuivi ses études en informatique en préparant une licence avezc Paris VII, qu’il a obtenu en 2003. ayant appris que l’université de Besançon dispensait un enseignement de maîtrise par Internet, G. de V. et un autre détenu ont obtenu l’autorisation d’utiliser Internet, comme deux autres détenus travaillant avec le Centre national d’enseignement et de formation à l’enfance inadaptée (CNEFEI).
En novembre 2003, G. de V. et un autre détenu ont pu commencer à étudier avec cette connexion Internet.
Mme P., nouvelle directrice de la maison centrale de Poissy depuis septembre 2003, ne conteste pas que l’accès Internet avait bien été autorisé par le précédent directeur, un an avat son arrivée. Mais dès sa prise de fonction, Mme P. s’est inquiétée de la sécurité de cet accès direct à Internet et a décidé d’affecter un agent "en protection", le correspondant local informatique lui semblant peu informé sur le dispositif "mis en place pour ces deux détenus" ; ceux-ci travaillaient dans le local de la RIEP, sous la surveillance d’un responsable de la RIEP et d’un surveillant attaché à la RIEP.
Puis, toujours pour des motifs de sécurité, Mme P. prenait, le 24 avril 2004, la décision d’interdire tout accès à Internet à compter du mois de septembre, avec coupure de la connexion Web mis à disposition de G. de V. et d’un autre détenu.
G. de V. adressait alors à Mme P., directrice, une lettre recommandée avec AR pour lui indiquer que sa décision d’interdire l’accès d’Internet lui portait préjudice et pour lui demander de confirmer cete décision. Mme P. a déclaré à la Commission "J’ai été très en colère. Je tiens à préciser que j’avais en même temps une inspection dans l’établissement, qui avait duré quatre jours et des problèmes plus graves à résoudre. J’ai décidé de demander son transfert. Vous me faites remarquer que le courrier de M. G. de V. pouvait être considéré comme une étape de la procédure administrative d’un recours, je ne l’ai pas considéré comme tel."
Le 3 mai 2004, G. de V. était tranféré à Fresnes avec son codétenu poursuivant les mêmes études que lui.
Mme P. a précisé que le jour de leur transfèrement, elle avait rappelé aux deux détenus qu’on leur avait proposé d’autres possibilités pour poursuivre leurs études. Ellle leur avait dit aussi "Chacun doit rester à sa place".
M. G. de V. a formé un recours contre la décision de transfert devant le Tribuanl administratif de Paris, recours rejeté par ordonnance du 20 décembre 2004 pour irrecevabilité manifeste au motif que les décisions de transfert ne modifiant pas le régime de détention applicable, constituent des mesures d’ordre intérieur et ne sont pas dès lors, de la nature de celles qui peuvent être attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir.
Cette ordonnance est définitive.
Mme B., alors adjointe à la direction a confirmé d’une part que le dispositif permettant à G. de V. d’avoir accès à Internet pour ses études "avait été mis en place, pensé avec M. V. (ancien directeur)". Elle a précisé qu’elle a recherché avec le proviseur de l’éducation nationale et le responsable informatique de la Direction régionale, un moyen d’éviter que l’enseignement se fasse "en ligne" en utilisant des supports CD-ROM et DVD. Elle a pris l’initiative de faire venir ces deux responsables pour discuter avec les deux détenus concernéns qui "avaient réagi plutôt positivement aux possibilités qui leur étaient proposées ; à savoir un enseignement dans un local scolaire sous surveillance d’un personnel. Jusqu’en juin et à partir de septembre un nouveau dispositif avec une autre université éventuellement ou d’autres modalités avec l’université de Besançon. J’ai eu l’impression qu’ils avaient accepté."
Mme B. directrice adjointe a également précisé que le dispositif mis en place à son arrivée était conforme à la circulaire du 21 avril 1997 relative à "la gestion des ordinateurs appartenant à des personnes incarcérées".
- Avis
M. G. de V ; et un autre détenu bénéficiaient d’un accès à Internet avec l’université de Basançon, après accord du directeur de la prison, et sous le contrôle de l’administration pénitentiaire.
Par ailleurs, il pouvait mettre ses compétences en matières informatique au service d’un employeur.
La décision de supprimer l’accès à Internet, plutôt que de rechercher le moyen d’en renforcer le contrôle, a provoqué le recours de M. G. de V.
C’est la lettre recommandée envoyée par M. G. de V., détenu, qui a suscité "la colère" de la nouvelle directirce et sa décision de transférr immédiatement les deux détenus. M. G. de V. a vu de fait ses études interrompues et a perdu son emploi. La Commission au vu des auditions estime que la décisoion de transfert n’était pas en l’état justifiée.
La Commission regrette qu’un mouvement d’humeur ait débouché sur uen position aussi radicale alros que le "litige" autour de l’accès à Internet était géré. Cette décision de transfèrement a invalidé l’aboutissement de la solution recherchée par la directrice adjointe avec l’éducation nationale et le responsable informatique de la direction générale.
- Recommandations
Le développement général de l’outil informatique et notamment le développement de l’Internet pose indiscutablement des problèmes de sécurité, qui cependant ne peuvent conduire à son interdiction pour les détenus.
La circulaire du 21 avril 1997 relative à la gestion des ordinateurs appartenant à des personnes incarcérées doit faire l’objet d’une refonte.
Il est nécessaire que l’utilisation d’un réseau Internet soit définie avec précision tant dans son usage (enseignement et exercice professionnel...) que dans sa surveillance (réseau sécurisé - contrôle de l’utilisation par des personnels compétents).
Cette nécessité de sécurité impose des contraintes de formation initiale et continue importantes, et le renforcément ddu personnel spécialisé.
Concernant la décision de transfert de M. G. de V., une directire ayant utilisé ses pouvoirs, non dans le cadre de sa mission de sécurité, mais par susceptibilité, la présente décision est transmise à M. le ministre de la Justice pour apprécier la suite à donner à un manquement.
Adopté le 4 juillet 2005
Pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité
Le Président
Pierre Truche
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis à M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont la réponse a été la suivante :