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> Edito

Une surenchère de propositions pour lutter contre la récidive des auteurs d’infractions à caractère sexuel

Mise en ligne : 21 août 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

Ban Public s’inquiète des nouvelles mesures annoncées par le gouvernement, le 20 août 2007, concernant la lutte contre la récidive des auteurs d’infractions à caractère sexuel.

Seulement 10 jours auparavant, était promulguée la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, avec notamment des dispositions concernant l’injonction de soins. S’agissant de ces dispositions, l’application de la loi est prévue pour mars 2008 ; ainsi, sans recul, sans dispositif d’évaluation, on prévoit de légiférer à nouveau sur le même sujet. Pourquoi ? Parce qu’un fait divers émeut l’opinion et que le gouvernement veut répondre, dans la précipitation, à cette émotion.
Un jeune enfant a été victime d’une agression sexuelle dont l’auteur, tout juste sorti de prison, avait été condamné pour des faits similaires.
Personne ne minimise la souffrance de la jeune victime et de sa famille.
Personne ne remet en cause l’émotion légitime que cela soulève.

Mais la tâche d’un gouvernement est de prendre des décisions réfléchies, construites, dans le respect des valeurs fondamentales de la société. Ce n’est pas de légiférer à tout va, comme si ce qui avait été promulgué 10 jours plus tôt était déjà jugé obsolète, avant même d’avoir été appliqué.

La loi du 10 août 2007, concernant l’injonction de soins, contient les dispositions suivantes :

- Toute personne condamnée
 - à un suivi socio-judiciaire,
 - à une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve pour l’une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru,
 - placée sous surveillance judiciaire,
 - en libération conditionnelle,

est soumise à une injonction de soins, s’il est établi qu’elle est susceptible de faire l’objet d’un traitement.

- Concernant le temps passé en prison, aucune réduction supplémentaire de la peine, aucune libération conditionnelle ne peuvent être accordées à une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, et qui refuse, pendant son incarcération, de suivre le traitement qui lui est proposé.

Pourtant, il est admis pas les professionnels de santé qu’une personne ne peut valablement suivre une thérapie que si elle est volontaire.

Les propositions annoncées le 20 août sont les suivantes :

- Toute personne ayant été condamnée pour des infractions à caractère sexuel et jugée dangereuse par un collège de médecins, à l’issue de sa peine de prison, ne sera pas remise en liberté, mais sera admise dans un hôpital fermé.

Ou bien la personne est atteinte d’une maladie mentale et elle n’avait rien à faire en prison.
Ou bien la personne n’est pas malade et, sa peine une fois purgée, elle doit recouvrer la liberté.

Le collège de médecins statuera sur la dangerosité de la personne, du point de vue d’un risque de récidive.

Or, le cœur de métier d’un médecin est d’établir un diagnostic, puis de proposer des soins ; un médecin n’est pas formé pour se prononcer sur un hypothétique passage à l’acte, ce qui relève plus de la prédiction que de la pratique de sa discipline.
De toute façon, prévoir le comportement des personnes n’est pas une science exacte ; il faut admettre que le risque zéro n’existe pas.

Il y a, de toute évidence, confusion entre le judiciaire et le sanitaire.

- Les personnes condamnées pour des infractions à caractère sexuel ne bénéficieraient plus des remises de peine, ou en tout cas "la question des remises de peine ne [serait] posée qu’en fin d’exécution et non pas au début", selon les déclarations du président de la République, le 20 août.

Comment faire bénéficier de remises de peine une personne qui aurait déjà exécuté sa peine ?

- Les personnes prises en charge dans les hôpitaux fermés, et qui accepteraient d’être soignées, pourraient avoir des permissions de sortir de cet hôpital, mais le feraient en portant un bracelet électronique et en suivant un traitement hormonal, appelé castration chimique.

L’ensemble de ces propositions devrait être intégrées au texte de la loi pénitentiaire, prévue pour l’automne, de fait, une loi sans doute un peu "fourre-tout".

Il est légitime que les citoyens aspirent à une certaine sécurité et il est tout aussi légitime que l’Etat s’en préoccupe. Mais, les principes éthique et déontologique ne peuvent être écartés. Le devoir de l’Etat est d’élaborer des solutions en réponse aux préoccupations des citoyens, dans le strict respect des principes fondateurs et des valeurs humaines d’une société moderne.
Une thérapie ne peut avoir pour but de lutter contre la récidive ; elle a avant tout pour but d’apaiser la souffrance des personnes, à la fois dans leur vie personnelle et dans leur vie sociale. La médecine est faite pour des patients ; elle n’est pas un outil de lutte contre la récidive.

La rédaction

Ban Public
Août 2007