Mise en danger de la santé d’autrui...
Par ce texte relatant point par point ce qui m’est arrivé ces dernières semaines, j’aimerai vous démontrer comment l’on traite les malades du sida dans les prisons françaises et, en même temps vous signaler les dysfonctionnements et les dérives que nous pouvons vivre à la centrale de Moulins Yzeure sous l’autorité de M. WILLEMOT, exemple type du directeur abusant dangereusement de son pouvoir.
En effet, le 28 avril 2005, je passe au prétoire (commission disciplinaire) pour deux rapports d’incidents survenus aux parloirs quelques semaines auparavant. Je prends quinze jours de sursis pour l’un et quinze autres jours dont sept fermes pour l’autre. Les deux peines sont confondues, j’écope de sept jours de quartier disciplinaire.
Compte tenu de mon état de santé, (malade du sida avec un lourd traitement médical), j’attends la visite du médecin pour lui demander d’établir un certificat médical demandant ma sortie du "mitard".
Lors de la commission de discipline, le directeur, était parfaitement au courant de mes problèmes de santé puisque j’ai déjà eu plusieurs certificats contre indiquant mon maintient au quartier disciplinaire et au quartier d’isolement. C’est donc en connaissance de cause qu’il m’a infligé cette peine.
Le soir même, je demande à voir Mme THEVENET, médecin de l’établissement, qui passera et me donnera son accord pour établir ce document dès le lendemain.
Le 29 avril, le médecin repasse et me confirme que le certificat médical est remis à la direction par l’intermédiaire de M. DELON, surveillant chef.
Ce dernier excédé, exigera des infirmières d’en avoir un toutes les heures, visiblement mécontent que je puisse sortir du quartier disciplinaire (Q.D.) aussi facilement.
Le directeur, M. WILLEMOT prendra alors la décision de me placer au quartier d’isolement pendant une période de huit jours, moyen de contourner le certificat médical.
Un placement faisant office de sanction disciplinaire de substitution.
Un premier surveillant vient donc me proposer ce placement au quartier d’isolement (Q.I.) que je refuse puisque, j’en suis déjà sorti pour des raisons médicales il y a quelques mois et, que mon état de santé n’a pas évolué depuis.
Suite à ce refus, on m’informe que j’ai un nouveau rapport d’incident pour refus d’obtempérer.
Le samedi 30 avril, je fais venir le médecin de garde qui, établira un nouveau certificat contre ma présence au "mitard".
Le 3 mai je dois passer au prétoire, mon avocat n’étant pas présent, je refuse de comparaître, sentence, huit jours supplémentaires. On peut se demander pourquoi cette nouvelle peine compte tenu des certificats médicaux contre indiquant mon placement en ces lieux.
Le mercredi 4 mai, le Dr THEVENET me rend visite et, établira deux nouveaux certificats médicaux indiquant clairement que mon état de santé est incompatible avec ces deux régimes de détention.
Voir les certificats médicaux :
Contre le QD :
http://www.prison.eu.org/article.php3?id_article=6692
Contre le Q.I. :
http://www.prison.eu.org/article.php3?id_article=6693
La direction est avisée de ces deux certificats. Dans l’après midi un premier surveillant viendra me proposer deux solutions, le placement au quartier d’isolement ou, un retour en détention mais à un autre étage. Je refuse bien entendu le placement au Q.I. ainsi que le retour en détention car je n’ai pas à subir un changement de cellule, sorte de nouvelle punition déguisée.
J’ai deux certificats qui annulent la sanction disciplinaire au Q.D. et mon placement au Q.I. ( même si pour l’isolement il ne s’agit que d’un avis médical ), je demande donc à retourner dans ma cellule d’origine, cela m’est refusé et deux nouveaux rapports d’incidents me sont signifiés.
Le vendredi 6 mai, je revois le Dr THEVENET et les infirmières qui sont atterrées par le comportement de la direction.
Le même jour, j’apprends par un ami, qui se trouve en promenade et, avec lequel je peux parler par la fenêtre, que lors de son audience avec le surveillant chef M. MARION, ils en sont arrivés à parler de ma situation. M. MARION lui a alors révélé que le directeur, M. WILLEMOT en faisait une affaire personnelle et qu’il s’agissait d’un bras de fer entre lui et JACQUA...
M. MARION attendra le retour du directeur du centre pénitentiaire, M. PARKOUDA, pour essayer d’apaiser la situation.
Le mercredi 11 mai, ma peine de "mitard" se termine et je suis immédiatement placé au quartier d’isolement. Je finis par accepter car je dois absolument téléphoner à mon épouse qui doit subir une intervention chirurgicale assez lourde.
Après avoir reçu mon paquetage, je reçois la visite en fin de journée de M. MARION, le surveillant chef un peu embarrassé, qui m’informe avoir reçu l’ordre express de M. PARKOUDA de me faire rejoindre la détention le soir même, pas question que je reste la nuit au Q.I. compte tenu des certificats médicaux.
Je suis donc placé provisoirement dans une cellule en détention normale pour la nuit.
Le jeudi 12 mai, je suis affecté dans une autre cellule à un autre étage et reçois mon paquetage.
Dans l’après midi, je dois repasser au prétoire pour les deux derniers rapports d’incidents. Mon avocat ayant une audience en correctionnelle le même jour, demande le report de cette commission disciplinaire, un refus catégorique lui est signifié.
Je passe donc une fois de plus sans lui, et refuse de m’expliquer en son absence.
J’écoperai de quinze jours de confinement, cela pour un seul rapport, celui du refus d’aller au premier étage. Evidement on ne me parle plus de celui qui concerne mon refus de placement au Q.I., histoire de ne pas laisser de trace.
Dans les conclusions de la commission de discipline, je trouverai cette phrase vraiment faite pour se couvrir d’éventuelles poursuites judiciaires et qui ne manque pas de culot après la lutte que j’ai mené pour ne pas accepter le Q.D. et Q.I. et les divers certificats médicaux établis par les médecins :
" Il est coutumier de refus d’obtempérer. Son acte semble s’inscrire dans une volonté de démontrer son maintien dans des conditions d’incarcération préjudiciables à son état de santé..."
C’est une manière invraisemblable d’inverser la situation et de me rendre responsable des décisions prisent par M. WILLEMOT et les diverses commissions de discipline, qui m’ont sanctionné contre avis médical, pour des refus de placement en isolement.
C’est justement cela " la volonté de me maintenir dans des conditions d’incarcération préjudiciables à mon état de santé".
On doit reconnaître que depuis le début, il y a eu une volonté délibérée de me voir au Q.D. puis au Q.I., que c’est contraint et forcé qu’ils ont fini par me faire réintégrer la détention, toujours avec cette volonté de me punir puisque j’ai dû changer d’étage, de cellule et qu’en plus j’ai pris quinze jours de confinement.
Au vu de tous ces éléments, j’affirme que M. WILLEMOT a exercé un abus de pouvoir à mon encontre en utilisant tous les moyens répressifs mis à sa disposition et, ceci au détriment de mon état de santé. Ce qui constitue un délit, à savoir : La mise en danger de la santé d’autrui.
On ne peut ignorer aujourd’hui que de telles situations de stress, de placement en quartier disciplinaire ou d’isolement ont des effets désastreux sur les défenses immunitaires d’un malade du SIDA, c’est d’ailleurs pour cela que j’ai obtenu des certificats médicaux.
A l’extérieur, on n’imagine même pas que l’on puisse agir ainsi avec un malade.
Il faut croire que les prisons ont leurs propres règles, leurs propres lois, ainsi un directeur peut, en toute impunité, jouer avec l’état de santé d’un détenu, donc avec sa vie.
Rien d’étonnant que M. WILLEMOT laisse un malade du Sida croupir au fond d’un cachot, puisque sa responsabilité a déjà été mise en cause dans une affaire de violences contre deux détenus massacrés au "mitard" par certains membres du personnel de la centrale, faits faisant l’objet d’une plainte en cours d’instruction et qui ont été dénoncés par la Commission Nationale de Déontologie et de Sécurité.
Il est important d’expliquer la situation que je peux vivre, ceci afin de démontrer que mes droits sont bafoués, que mon état de santé peut être remis en cause à tout moment, ceci au bon vouloir d’un directeur de prison.
C’est une nouvelle fois la preuve que le maintien des détenu(e)s séropositif(ve)s, en phase Sida ou gravement malades est une injustice manifeste.
Ce type "d’anecdote" est monnaie courante au sein du monde carcéral et je ne cesserai de le dire jusqu’à ce que l’on m’entende.
C’est pour ces raisons que nous devons bénéficier de l’application de la suspension de peine prévue par l’article 710 de la loi KOUCHNER, il y a urgence !
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Laurent JACQUA
Président d’honneur de l’association BAN PUBLIC
Détenu à la Centrale de Moulins Yzeure
Mai 2005