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LETTRE OUVERTE À MONSIEUR DE VILLEPIN, PREMIER MINISTRE

Mise en ligne : 10 novembre 2005

Dernière modification : 10 novembre 2005

Monsieur,

Je vous ai vu et entendu dimanche soir, au journal télévisé de France 2, et vous l’avez répété depuis, au sujet des violences dans les banlieues : « Il n’y aura pas en France de zones de non-droit ». A vrai dire, j’ai sursauté dans mon fauteuil. Monsieur le Ministre, comme tous les gens qui vous entourent au Gouvernement, vous mentez ... mais la France profonde est rassurée à la grand messe du 20 heures et elle peut dormir sur ses deux oreilles.

Texte de l'article :

LETTRE OUVERTE À MONSIEUR DE VILLEPIN,

PREMIER MINISTRE

Monsieur,

Je vous ai vu et entendu dimanche soir, au journal télévisé de France 2, et vous l’avez répété depuis, au sujet des violences dans les banlieues : « Il n’y aura pas en France de zones de non-droit ». A vrai dire, j’ai sursauté dans mon fauteuil. Monsieur le Ministre, comme tous les gens qui vous entourent au Gouvernement, vous mentez ... mais la France profonde est rassurée à la grand messe du 20 heures et elle peut dormir sur ses deux oreilles.

Oui, je dis bien : « vous mentez » ... au moins par omission. Il y a, en France, depuis fort longtemps, une immense zone de non-droit que la République entretient en se voilant la face : je veux parler des prisons ! Cela concerne directement plus de 60 000 personnes et des milliers de familles.

A moins d’être sourd et aveugle, nous n’êtes pas sans connaître l’appel lancé par 200 personnalités de tous les bords et qui figure dans la dernière livraison du Nouvel Observateur. Pourquoi un tel consensus ? Dans les prisons, et en particulier dans les maisons d’arrêt, tout est permis : brimades, humiliations, promiscuité, loi du plus fort, etc. Les prisons sont surpeuplées et rien n’a changé - bien au contraire - depuis le rapport du Sénat : "Les prisons : une honte pour la République". Au moins 115 suicides recensés l’an dernier, 7 fois plus qu’à l’extérieur ! Je ne vais pas vous accabler de chiffres, vous les connaissez mieux que moi.

Mais au lieu de tenter de remédier à cet état de fait, en ce moment même, avec l’aide de votre ministre de l’Intérieur, vous vous vantez d’avoir, depuis le début des émeutes dans les banlieues, envoyé en comparution immédiate et en prison plus d’une centaine de jeunes. Prison ferme de trois, quatre mois, voire plus ! Comme à l’abattage ! Est-ce ainsi que vous allez aider ces jeunes à s’amender ? C’est peut-être de "la racaille" qui y entre (sic), mais ce sont des loups qui vont en sortir !

A une politique d’exclusion des sans-papiers - on pourrait évoquer longuement ce qui se passe dans les Centres de Rétention Administrative -, à une politique d’exclusion dans les banlieues, vous ajoutez l’exclusion par la prison. Mais jusqu’où donc irez-vous pour "nettoyer la France", comme le disent si bien messieurs De Villiers et Le Pen ?

Monsieur le Premier Ministre, vous faites fausse route.
Balayez donc devant votre porte !
Arrêtez de mentir aux Français pour des raisons bassement électorales !
C’est un simple citoyen de la République qui vous le dit.
Merci de ne pas prendre les Français pour des "veaux" !

Dominique Bataillon
Le 8 novembre 2005