Prison de Turi, 1er août 1932
Ma chère Tania,
J’ai reçu tes lettres du 26 et du 28 juillet avec la lettre de Julie et les photographies. Celles-ci, malgré les défauts que tu as relevés, m’ont quand même plu. Je crois que Julie, si tant est qu’elle ait beaucoup souffert, n’est pas toutefois dans une condition physique telle qu’elle ne puisse se remettre assez rapidement, à condition qu’elle prenne soin d’elle-même. J’ai lu avec un grand intérêt la lettre de maman ; je crois qu’elle confirme le jugement commun qui veut que les grand-mères savent écrire sur les enfants mieux que leurs propres mères.
Ces derniers temps, je me suis quelque peu remis. J’ai à tout le moins changé de mal et je me sens plus léger. Pas à l’heure où je t’écris pourtant. Ici aussi, il commence à faire chaud : le moindre petit effort que je fournis me met dans un bain de sueur désagréable et débilitant. La diète que j’ai faite n’était pas « liquide » comme tu l’as compris, mais « hydrique », c’est-à-dire que je n’ai absolument rien mangé, j’ai seulement bu un peu de limonade pendant environ trois jours, et cela à deux reprises. Je ne peux, au contraire, boire que très peu de lait : je suis loin des trois litres ! Si je bois dam la journée plus d’un litre de lait je me sens mal et je n’arrive pas à digérer. Toutefois, dans l’ensemble, on peut dire que j’ai amélioré ma fonction digestive. Je dois pourtant peu manger, si je ne veux pas qu’immédiatement sur-viennent des douleurs viscérales. Cela m’affaiblit surtout avec la chaleur et le manque de repos qui provient de la difficulté que j’éprouve à pouvoir dormir. C’est un complexe abominable et l’on voit que ma provision de patience et de résistance était très grande, puisqu’elle m’a permis de m’en tirer jusque-là.
Je t’embrasse tendrement.
ANTOINE