Le Comité de Prévention de la Torture
L’article 1er de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) crée et définit le CPT comme suit : « Il est institué un Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après dénommé : "le Comité"). Par le moyen de visites, le Comité examine le traitement des personnes privées de liberté en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. ».
Le champ d’action du CPT s’étend à tous les lieux de privation de liberté, et concerne ainsi, outre les établissements pénitentiaires, les centres de rétention des étrangers, les hôpitaux psychiatriques et autres lieux d’internement.
A la manière du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté, institué en France en 2008 et dont le rôle a largement été inspiré du CPT, ce dernier accomplit sa mission par le biais de visite des lieux de détention où il évalue le traitement des personnes détenues.
Il réalise par ailleurs des rapports et dégage des normes en matière pénitentiaire, comme celles sur l’espace personnel minimum dont doit disposer une personne détenue. Si ces normes n’ont pas de valeur contraignante pour l’Etat Français, elles sont toutefois fréquemment utilisées par la Cour Européenne des Droits de l’Homme depuis 2009 afin de juger s’il y a eu ou non violation de la CESDH.
Ses différentes visites en France
Au total, 12 visites du CPT ont eu lieu en France depuis sa création.
Et même si la première a eu lieu du 27 octobre au 08 novembre 1991, force est de constater qu’en près de 25 ans, certains constats sont malheureusement toujours les mêmes.
En effet, en 1991, le CPT avait eu l’occasion de se rendre dans les établissements pénitentiaires des Baumettes, de Nice et de Clairvaux et il faisait déjà à cette époque état d’un édifiant problème de surpopulation carcérale.
Ainsi, il relevait que l’établissement des Baumettes, d’une capacité officielle de 1534 places, hébergeait au 1er octobre 1991, 2156 personnes détenues. De même, la maison d’arrêt de Nice, d’une capacité théorique de 337 places, hébergeait au début de la visite du CPT 763 détenus dont 77% étaient des prévenus (591 personnes non-encore jugées et présumées innocentes).
En dépit de ce constat, le gouvernement français se voulait rassurant indiquant que le problème de surpopulation carcérale à Nice allait se résorber compte-tenu de la mise en service de la maison d’arrêt de Grasse, établissement de 600 places qui, selon l’Etat, allait permettre « une occupation dans des conditions normales de la M.A. de Nice »
Il ne s’agissait bien entendu là que d’un leurre et à chaque nouvelle visite, le CPT évoquera le problème accru de surpopulation carcérale auquel la France fait face.
Parmi les visites du CPT, il est à noter que trois d’entre elles ont eu lieu en Outre-Mer, à savoir en 1994 en Martinique, en 2004 à la Réunion et en 2008 en Guyane.
Les visites du CPT, un outil de mise en lumière de la surpopulation carcérale française
Ces visites ont notamment été l’occasion de s’interroger davantage sur la surpopulation carcérale française, ses causes mais aussi les moyens d’y remédier, certaines visites ayant tout particulièrement été impulsées par le surpeuplement et par voie de conséquence, par le climat de violences régnant au sein des établissements. Ce fut notamment le cas de la visite en Guyane, décidée sur la base d’informations faisant état d’une situation difficile dans le Centre Pénitentiaire de Rémire-Montjoly.
La maison d’arrêt pour hommes y affichait en effet un taux d’occupation de près de 220 % (369 détenus pour 168 places) tandis que le quartier pour femmes opérait aussi en surnombre, avec un taux d’occupation d’environ 153 % au centre de détention (26 condamnées pour 17 places) et 130 % à la maison d’arrêt (30 prévenues pour 23 places).
Bien décidé à proposer des solutions afin d’enrayer la surpopulation carcérale, le Comité avait relevé que les autorités avaient déjà exploré deux axes principaux pour tenter de résoudre le problème : le transfèrement des condamnés vers la Guadeloupe ou la métropole, d’une part, et l’agrandissement du centre pénitentiaire, d’autre part.
Le Comité estimait alors pour sa part que la solution devait également être cherchée sur un autre plan, celui des alternatives à la prison.
S’agissant des causes de surpopulation carcérale, lors de sa visite sur l’île de la Réunion, le comité s’était entretenu avec différents membres des autorités pénitentiaires, judiciaires ou des avocats qui s’accordaient tous à dire que la surmédiatisation de la délinquance dans l’île provoquait une pression sur la justice, alors pourtant que le taux de délinquance était inférieur à celui de la métropole (45 pour 1000). S’ajoutaient à cela les faibles possibilités d’aménagement de peine et de travaux d’intérêt général et l’augmentation du nombre de comparutions immédiates.
Le comité avait alors tenu à souligner d’une part, que la construction de nouvelles prisons et le placement sous surveillance électronique ne peuvent, à eux seuls, remédier au surpeuplement carcéral de manière immédiate et drastique et d’autre part, que la situation était alarmante.
Une publication des rapports de visite toujours tardive.
S’agissant de la publication des rapports de visite, la France n’ayant pas choisi d’opter pour une publication immédiate sans validation de sa part, il est nécessaire d’attendre à chaque fois son aval, qui tarde souvent à venir.
Cette attitude n’est pas nouvelle puisque dans les années 90 déjà, le Gouvernement Français a retardé la publication du premier rapport du CPT, qui n’a été pour sa première visite, publiée que le 17 février 1994, soit plus de deux ans plus tard. A chaque fois, un délai d’au moins un an a lieu entre les constatations effectuées par le Comité et la publication du rapport, alors pourtant que l’adoption du rapport lors d’une réunion plénière du Comité se fait généralement dans les six mois suivants la visite.
Or, plus la publication du rapport a lieu tard, moins les informations contenues dans celui-ci sont susceptibles d’être utilisées, ces dernières n’étant finalement plus à jour au moment de leur divulgation.
Les raisons plausibles tendant à la non-publication du rapport
Ce retard finit donc par servir d’excuse au Gouvernement français qui en guise de réponse au rapport, n’a alors plus qu’à indiquer les éventuels travaux et aménagements menés depuis la visite, expliquant que la situation n’est plus du tout celle qui était décrite dans le rapport.
Pourtant, en dépit de l’année écoulée depuis la visite, le rapport à venir semble tout de même avoir grand intérêt, dans la mesure où il s’agissait fin 2015 de la première visite du CPT depuis certaines réformes pénales et pénitentiaires.
En effet, le CPT avait bien effectué une visite du 28 novembre au 10 décembre 2010 qui était la première depuis l’application de la loi pénitentiaire de 2009, mais à ce moment-là, tous les décrets d’application n’étaient pas encore en vigueur (notamment ceux portant sur les conditions de détention) et la loi ne déployait donc pas encore pleinement ses effets. De même, le code de déontologie du service public pénitentiaire, prévu par l’article 11 de la loi pénitentiaire, n’entrait en vigueur qu’au 1er janvier 2011.
La visite de 2015 devait donc servir d’épreuve du feu pour la loi pénitentiaire de 2009 et permettre de vérifier l’entière application de la loi.
En outre, constatant en 2010 que 116 établissements ou quartiers de détention avaient un taux d’occupation supérieur à 100%, le CPT avait alors émis le souhait de recevoir des informations sur la mise en œuvre d’alternatives à la détention provisoire telles que préconisées par la Recommandation (2006)13 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.
Quand on sait que les chiffres de la détention provisoire ont depuis explosé, que le gouvernement français a finalement lui-même reconnu l’ampleur du problème de surpopulation carcérale, on ne peut que s’interroger sur le contenu du dernier rapport du CPT, qui a sans nul doute rappelé à la France ses obligations en matière de conditions de détention des personnes privées de liberté.
C’est dans ce contexte que plusieurs associations ont signé en décembre 2016 un communiqué de presse demandant au Premier Ministre d’autoriser et d’accélérer la publication dudit rapport.
Cette doléance étant restée depuis lettre morte, Ban Public réitère cette demande et exige que le rapport de la dernière visite du CPT en France soit rendu public dans les plus brefs délais.
Il serait inacceptable que cette année encore, comme en 2012, le rapport ne soit rendu public qu’à quelques jours des élections présidentielles, éclipsé par l’effervescence de cet événement, qui au contraire devrait servir à faire progresser le débat sur les questions pénitentiaires.
Aujourd’hui encore la prison reste une zone d’ombre que le gouvernement français se doit de rendre visible.
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