Neuf pourvois ont ici été joints par le Conseil d’État (CE) car ils concernaient tous la question de l’agrément des aumôniers Témoins de Jéhovah en prison.
Les différentes requêtes initiales avaient été portées devant les Tribunaux Administratifs (TA) de Paris, Strasbourg et Lille par des hommes s’étant vus refuser la qualité d’aumônier par la direction interrégionale des services pénitentiaires ; par des personnes détenues témoins de Jéhovah souhaitant voir l’État condamné pour le préjudice subi du fait de la privation de leurs droits à une pratique religieuse normale ou encore par l’association cultuelle des Témoins de Jéhovah elle-même qui sollicitait l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande visant à pouvoir bénéficier d’un aumônier bénévole par région pénitentiaire, et à tout le moins dans un premier temps d’un aumônier bénévole national.
A chaque fois, les TA, puis les Cours administratives d’appel de Paris, Nancy et Douai leur ont donné raison expliquant que « si la liberté de culte en milieu carcéral s’exerce sous réserve des prérogatives dont dispose l’autorité administrative aux fins de préserver l’ordre et la sécurité au sein des établissements pénitentiaires, aucune disposition législative ou réglementaire ne conditionne la désignation d’un aumônier à un nombre minimum de détenus susceptibles de recourir à son assistance spirituelle ; que, dès lors, en invoquant de façon générale, ainsi que cela ressort du recours ministériel, l’insuffisance du nombre de détenus se revendiquant de la confession des Témoins de Jéhovah, pour refuser de délivrer [aux différents requérants] un agrément en qualité d’aumônier, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris/Strasbourg/Lille s’est fondé sur un motif qui n’était pas de nature a justifier légalement une telle décision ».
Par la suite, le CE a rejeté tous les pourvois du Ministre de la Justice, précisant que l’administration pénitentiaire devait « dans la mesure où les locaux le permettent et dans les seules limites du bon ordre et de la sécurité, permettre l’organisation du culte dans les établissements ; que la seule facilitation des visites de droit commun de représentants du culte ne saurait satisfaire à ces obligations ; que le paragraphe 2 de la règle pénitentiaire européenne n°29, dont se prévaut le ministre et qui est, au demeurant, dénuée de portée normative, recommande simplement de proportionner le nombre d’aumôniers agréés au nombre de pratiquants mais n’a ni pour objet ni pour effet de permettre de fonder un refus d’agrément sur le faible nombre de pratiquants ».