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Les décès en prison

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Date : 8-12-2010

L’autopsie, « dans le respect dû au mort »

Mise en ligne : 9 décembre 2010

Le blog de Georges Moréas, commissaire principal honoraire de la police nationale

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Texte de l'article :

Formule traditionnelle utilisée dans les réquisitions judiciaires, le respect dû au mort n’est pourtant pas un impératif du Code de procédure pénale. Rien n’est prévu. Aucun article n’encadre l’autopsie. Une loi pourrait prochainement modifier les choses.

L’autopsie est systématique en cas de mort criminelle ou suspecte. Mais elle est souvent demandée par le procureur pour rechercher si les causes du décès peuvent avoir un lien avec une maladie, une opération chirurgicale, un accident, etc.

Il s’agit, pour les députés, de réglementer l’acte, la procédure…, mais aussi de renforcer les droits de la famille. Notamment « l’obligation de la restitution du corps dans des conditions préservant le respect dû au cadavre et la dignité des proches du défunt ». Comme c’est le cas pour les autopsies d’ordre médical.

Cela ne veut pas dire qu’aujourd’hui, on fait n’importe quoi. L’homme de l’art ne se livre pas sur un mort à des pratiques de potaches, de celles qu’on imagine dans les facultés de médecine… Et même si parfois quelques plaisanteries fusent, c’est pour mieux faire retomber la pression, tant l’atmosphère d’une autopsie est accablante. Je n’ai jamais sondé l’âme d’un légiste, mais peu de policiers restent insensibles devant ce corps nu, qu’on ausculte de l’intérieur. Et la Brasserie de l’Aubrac, située en face du quai de la Rapée, a vu plus d’une fois, au petit matin, deux ou trois individus pâlichons pousser la porte du bistroquet et, sans un mot, s’enfiler un verre de rhum.

Pourtant, par le passé, il y a eu de sérieux dysfonctionnements. Des boulettes, comme dans l’affaire Markovic, où la première autopsie n’avait pas révélé la balle, dans la tête de la victime. Mais aussi des erreurs psychologiques, lorsque les traces de l’intervention sont trop visibles, au point qu’il est bien difficile de présenter le corps à la famille. Je me souviens d’un homme que les parents ont refusé d’identifier, tant il était méconnaissable. Des années plus tard, ils étaient venus me trouver pour savoir s’ils pouvaient faire procéder à une exhumation en vue d’un test ADN. « Vous comprenez, on veut être sûrs », m’avaient-ils dit.

C’est un cas extrême. Mais il faut reconnaître que les enquêteurs, les légistes et les magistrats, obnubilés par la recherche de la vérité, se montrent parfois d’une insensibilité choquante.

On peut toutefois se demander si cette modification du Code de procédure pénale n’arrive pas un peu tard… N’est-on pas à la veille d’une nouvelle technique : l’autopsie virtuelle, ou « virtopsie ».

« C’est à mes yeux la révolution médico-légale du début du XXI° siècle », nous dit le docteur Bernard Marc, dans son livre Profession : médecin légiste, aux éditions Demos (que j’ai eu le plaisir de préfacer). Il s’agit d’un procédé qui permet de découper le cadavre en rondelles - sans le toucher. Avec l’énorme avantage de pouvoir se repasser l’enregistrement autant de fois que nécessaire, sans limitation dans le temps. Il est probable que dans les années à venir, cette technique remplacera un bon nombre d’autopsies traditionnelles.

Cette loi, visant à l’encadrement des autopsies judiciaires, donnera également aux proches la possibilité de réclamer le corps au bout d’un mois. Ce qui évitera des situations invraisemblables, comme la triste histoire de cette petite fille de quatre ans, citée dans Le Monde, dont les parents ont dû attendre plus de six mois avant de pouvoir l’enterrer.

Si nos parlementaires veulent ajouter un zeste d’humanité dans l’exercice de la justice, on ne peut que les encourager. C’est une démarche suffisamment inhabituelle pour mériter un petit coup de chapeau.

 

 




Proposition de loi N° 2615

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2010.
 

 

PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer l’encadrement juridique des autopsies judiciaires et l’information des familles sur leurs droits,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Madame et Messieurs

André FLAJOLET, Guy LEFRAND, Olivier JARDÉ, Jacques GROSPERRIN, Jean-Pierre GRAND, Edwige ANTIER, Henriette MARTINEZ, Élie ABOUD, Martine AURILLAC, Patrick BEAUDOUIN, Thierry BENOIT, Jean-Louis BERNARD, Jean-Marie BINETRUY, Émile BLESSIG, Philippe BOËNNEC, Jean-Claude BOUCHET, Bruno BOURG-BROC, Loïc BOUVARD, Françoise BRANGET, Jean-François CHOSSY, Marie-Christine DALLOZ, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Richard DELL’AGNOLA, Stéphane DEMILLY, Michel DIEFENBACHER, Jacques DOMERGUE, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Marianne DUBOIS, Nicolas DHUICQ, Cécile DUMOULIN, Jean-Pierre DUPONT, Raymond DURAND, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Jean-Michel FERRAND, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Cécile GALLEZ, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Jean-Paul GARRAUD, Jean-Pierre GIRAN, Anne GROMMERCH, Michel HEINRICH, Michel HUNAULT, Jacques HOUSSIN, Marguerite LAMOUR, Laure de LA RAUDIÈRE, Thierry LAZARO, Robert LECOU, Jacques LE GUEN, Michel LEJEUNE, Colette LE MOAL, Maurice LEROY, Claude LETEURTRE, Michel LEZEAU, Gérard LORGEOUX, Gabrielle LOUIS-CARABIN, Guy MALHERBE, Christine MARIN, Hervé MARITON, Muriel MARLAND-MILITELLO, Franck MARLIN, Henriette MARTINEZ, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Françoise de PANAFIEU, Christian PATRIA, Jean-Luc PRÉEL, Jacques REMILLER, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, Françoise de SALVADOR, François SAUVADET, Jean-Pierre SCHOSTECK, Fernand SIRÉ, Alain SUGUENOT, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Francis VERCAMER, Philippe VIGIER, Michel VOISIN, André WOJCIECHOWSKI et Michel ZUMKELLER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si elle n’est pas une spécialité médicale en tant que telle, la médecine légale est bien une pratique médicale à part entière, spécialisée dans les violences et dévouée au droit, nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice et à la manifestation de la vérité. Au croisement de plusieurs disciplines, la médecine légale joue un rôle majeur pour éclairer la justice sur les causes et les circonstances d’une violence ayant ou non entraîné la mort. Elle a aussi un rôle majeur auprès des familles confrontées à ces violences.

Au cours de ces dernières années, un certain nombre de rapports ont pointé les dysfonctionnements dont souffrait la médecine légale en France. Il s’agit notamment du rapport remis par le député de la Somme, Olivier Jardé, au Premier Ministre en décembre 2003 et de celui réalisé en 2006 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ).

S’appuyant sur ces travaux, le Gouvernement a engagé une réforme pour améliorer l’organisation et le financement de la médecine légale qui se mettra progressivement en place à partir du 1er septembre 2010. Une instruction ministérielle du 29 janvier 2010 prévoit la mise en place d’un nouveau schéma directeur, structuré autour de centres-pivots régionaux pour la médecine légale thanatologique et de réseaux de proximité pour la médecine légale du vivant. La loi de finances (LFI) pour 2009 et celle pour 2010 ont prévu, dans le programme « Justice judiciaire », des crédits supplémentaires pour le financement de la médecine légale et la mise en œuvre de la réforme.

Cette réforme, attendue par l’ensemble des acteurs concernés, doit permettre une harmonisation des pratiques sur le territoire et in fine une meilleure reconnaissance de la médecine légale en France.

Les diverses auditions conduites par les députés André Flajolet et Guy Lefrand, dans le cadre de leur mission sur ce sujet, ont mis en évidence la nécessité d’accompagner cette réforme en particulier dans trois domaines :

– renforcer l’encadrement juridique des autopsies judiciaires et clarifier les droits des victimes et de leurs familles ;

– rénover la formation initiale et continue des professionnels : médecins experts, magistrats, forces de l’ordre – police et gendarmerie ;

– améliorer la connaissance et la recherche en médecine légale, notamment en renforçant les missions du Conseil supérieur de la médecine légale auquel des parlementaires pourraient siéger.

La plupart de ces évolutions sont d’ordre réglementaire et ne nécessitent pas d’évolution législative à l’exception du renforcement de l’encadrement juridique des autopsies judiciaires et la clarification des droits des victimes et de leurs familles.

Sur ce sujet, plusieurs rapports récents (note d’information du médiateur de la République de mai 2009, mission d’information parlementaire sur la révision des lois de bioéthique de janvier 2010) ont mis en évidence la nécessité de combler le vide juridique actuel en matière d’autopsies judiciaires, source d’insécurité juridique et de contentieux.

Conscients du caractère sensible des problèmes soulevés, les pouvoirs publics ont récemment pris plusieurs initiatives pour remédier à cette situation : la diffusion d’un Guide sur le traitement judiciaire des décès depuis juillet 2009, la publication d’une circulaire en date du 20 août 2009 aux procureurs généraux et aux procureurs de la République sur les autopsies judiciaires, la mise en place d’un groupe de travail interministériel sur les scellés.

Malgré ces avancées indéniables, il convient aujourd’hui d’aller plus loin et de proposer une évolution législative sur plusieurs points, s’inspirant des propositions du médiateur de la République de mai 2009 et de la mission d’information parlementaire sur les lois de bioéthique de janvier 2010.

Tel est le sens de la présente proposition de loi que nous soumettons à votre approbation.

L’article 1er vise à introduire dans le code de procédure pénale des dispositions spécifiques sur les autopsies judiciaires, aujourd’hui traitées comme toute autre mesure d’instruction et d’expertise.

L’article 2 a pour objet de préciser les autorités judiciaires habilitées à ordonner une autopsie et consacre le droit à l’information des proches du défunt sur cette autopsie.

L’article 3 prévoit la désignation par le procureur de la République ou le juge d’instruction d’un médecin, titulaire d’un diplôme attestant de sa qualification en médecine légale, qui sera chargé, le cas échéant, de la coordination des différentes expertises médico-légales.

L’article 4 vise à renforcer les droits des proches du défunt ayant fait l’objet d’une autopsie judiciaire : conditions de restauration des corps et délais de restitution aux familles.

L’article 5 vise à combler le vide juridique actuel concernant les conditions de destruction ou de restitution des prélèvements humains placés sous main de justice après autopsie judiciaire.

L’article 6 étend à l’ensemble des autopsies l’obligation de restitution du corps dans des conditions préservant le respect dû au cadavre et la dignité des proches du défunt, actuellement prévue pour les seules autopsies médicales dans le code de la santé publique.

L’article 7 précise les conditions d’habilitation des praticiens désignés pour effectuer une autopsie judiciaire.
 

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

Création d’un nouveau chapitre dans le code de procédure pénale

I. Le titre II du Livre 1er du code de procédure pénale est complété par un chapitre IV ainsi intitulé : « Des autopsies judiciaires et des prélèvements ».

II. L’intitulé du titre II du Livre 1er du code de procédure pénale est ainsi modifié : « Des enquêtes, des contrôles d’identité et des autopsies judiciaires ».

Article 2

Information des familles

Il est inséré, dans le code de procédure pénale, un article 78-7 ainsi rédigé :

« Art. 78-7. – En cas de décès dont la cause est inconnue ou suspecte, le procureur de la République, ou sur autorisation de celui-ci, l’officier de police judiciaire, peut faire procéder, pour les besoins de l’enquête, à une autopsie judiciaire ou tous prélèvements médico-légaux sur la personne décédée.

« Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’officier de police judiciaire a compétence pour recourir directement à toute personne qualifiée.

« Les proches du défunt sont immédiatement informés par le procureur de la République de cette autopsie et de leur droit à connaître les prélèvements effectués, selon une procédure définie par voie réglementaire.

« Le juge d’instruction dispose des mêmes prérogatives que celles du procureur de la République, dès lors que ce dernier a ouvert une information judiciaire. »

Article 3

Procédure autopsie judiciaire et médecin expert coordonnateur

Après l’article 78-7 du même code, il est inséré un article 78-8 ainsi rédigé :

« Art. 78-8. – Le procureur de la République ou le juge d’instruction désigne un médecin inscrit sur une des listes prévues au premier alinéa de l’article 157 pour réaliser cette autopsie judiciaire ou ces prélèvements médico-légaux.

« Pour figurer sur cette liste, le praticien doit être titulaire d’un diplôme attestant de sa qualification en médecine légale, conformément à l’article L. 4131-1-2 du code de la santé publique.

« Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l’article 157, les personnes ainsi appelées prêtent par écrit serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience.

« Le médecin-expert coordonne l’autopsie judiciaire et ses suites médico-légales, notamment concernant tous prélèvements d’organes ou de tissus issus du cadavre.

« À ce titre, il peut, sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire compétente, demander des actes médico-légaux complémentaires. Il reçoit, dans ce cas, communication des rapports de ces expertises réalisées à sa demande ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction.

« En cas de pluralité d’expertises, il remet aux autorités judiciaires un rapport final synthétisant les résultats des différentes expertises médicales auxquelles il a été procédé. »

Article 4

Conditions de restauration des corps et délai de restitution aux familles

Après l’article 78-8 du même code, il est inséré un article 78-9 ainsi rédigé :

« Art. 78-9. – Le médecin-expert procède aux prélèvements d’organes et de tissus qui sont strictement nécessaires aux besoins de l’enquête.

« Les médecins ayant procédé à l’autopsie et aux éventuels prélèvements sont tenus de s’assurer de la meilleure restauration possible du corps, avant sa restitution aux proches du défunt.

« Il ne peut être refusé aux proches du défunt qui le souhaitent d’accéder au corps avant sa mise en bière, sauf contraintes de santé publique. L’accès au corps se déroule dans des conditions garantissant aux proches du défunt respect, dignité et humanité. Une charte de bonnes pratiques, dont le contenu est défini par voie réglementaire, informe les familles de leurs droits et devoirs. Elle est obligatoirement affichée en un lieu visible.

« Lorsqu’une autopsie a été ordonnée dans le cadre d’une enquête judiciaire et que la conservation du corps, des organes et tissus placés sous main de justice n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire compétente délivre dans les meilleurs délais l’autorisation de restitution du corps et le permis d’inhumer.

« L’autorité judiciaire compétente peut exiger des proches qu’il soit uniquement procédé à l’inhumation du corps, à l’exclusion de l’incinération lorsqu’il apparaît nécessaire de préserver les besoins futurs de l’enquête ou du procès.

« À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’autopsie, les proches du défunt ayant qualité pour pourvoir aux funérailles peuvent demander la restitution du corps auprès du procureur de la République ou du juge d’instruction qui doit y répondre par une décision écrite dans un délai de quinze jours. »

Article 5

Conservation, destruction, restitution
des prélèvements humains sous main de justice

Après l’article 78-9 du même code, il est inséré un article 78-10 ainsi rédigé :

« Art. 78-10. – Les prélèvements réalisés sur un cadavre dans le cadre d’une autopsie judiciaire sont placés sous main de justice pendant l’enquête, l’instruction ou le jugement de l’affaire et sont conservés tant qu’ils sont nécessaires à la manifestation de la vérité.

« Dès que ces prélèvements ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité ou que toutes les voies de recours sont épuisées ou éteintes, l’autorité judiciaire compétente peut ordonner leur destruction.

« Par exception, les proches du défunt peuvent obtenir, sous réserve des contraintes de santé publique, la restitution de ces prélèvements lorsqu’ils constituent les seuls restes humains ayant permis l’identification du défunt, en vue de leur inhumation ou de leur incinération.

« Un protocole national type défini par voie réglementaire précise les conditions de conservation, de destruction ou de restitution de ces prélèvements. »

Article 6

Restauration des corps

À l’article L. 1232-5 du code de la santé publique, le mot : « médicale » est supprimé.

Article 7

Conditions d’habilitation des praticiens
désignés pour effectuer une autopsie judiciaire

I. Après l’article L. 4131-1-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-1-2. – Les règles relatives à la qualité de médecin ayant des compétences en médecine légale sont définies par voie réglementaire, après avis du Conseil national de l’ordre des médecins. »

II. Jusqu’à la date d’entrée en vigueur des mesures réglementaires prévues par l’article L. 4131-1-2 du code de la santé publique, les médecins qui, à la date de publication de la présente loi, exercent une expertise judiciaire relevant de la médecine légale, sont réputés avoir des compétences en ce domaine.

Article 8

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.