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Atwood Jane-Evelyn - Trop de peines, Femmes en prison

Mise en ligne : 6 juillet 2004

Dernière modification : 14 juillet 2007

Texte de l'article :

Pendant neuf ans, à travers plusieurs pays d’Europe (Est et Ouest) et d’Amérique, et dans cet esprit qu’elle avait déjà manifesté lors de ses précédents reportages : un engagement total, une relation très proche, voir intime, avec ses sujets, la photojournaliste Jane Evelyn Atwood a rencontré et photographié des femmes en prison, incarcérées aussi bien pour des délits mineurs (vol et drogue) que pour des crimes les plus graves (meurtres et infanticide).
Ce long reportage, dont les photographies, plus émouvantes et terribles les unes que les autres, décrivant les scènes qui vont bien au-delà de tout ce que l’on peut imaginer dans de tels lieux, raconte l’histoire d’une population de femmes emprisonnées en pleine mutation. Depuis 1980, en effet, et rien qu’au Etats-Unis, la quantité de prisonnières a été multipliée par dix, une augmentation bien supérieure à celle des hommes. Cette explosion marque un bouleversement social sans précédent et entraîne dans son sillage des problèmes dont on mesure encore mal les conséquences. C’est ainsi que parallèlement à son travail de photographe, Jane Evelyn Atwod a donné à ses femmes l’occasion de parler en leur propre nom de leur incarcération. En interrogeant les prisonnières aussi bien que leurs gardiens, elle a donc restitué voix et visages à ceux qui sont trop souvent réduits à des éléments statistiques ou symboliques.
A travers les témoignages et les images de ces femmes, Jane Evelyn Atwood pose des questions complexes et sur des registres souvent inexplorés : les hommes et les femmes sont-ils égaux devant la peine ? La justice est-elle indifférente au sexe de ses sujets ? Pourquoi la population cacérale est-elle dans sa majorité d’une pauvreté accablante et quelque fois handicapée mentalement ? Sur l’ensemble de la population des femmes en prison, les statistiques semblent indiquer qu’une grande majorité d’entre elles sont incarcérées pour des crimes non-violents : prostitution, drogue, faux chèques et autres délits financiers, ce qui laisse supposer que tôt ou tard elles se retrouveront dans la rue. Pourquoi le système ne fait-il rien pour éduquer, préparer ou accompagner ces femmes afin de leur éviter de replonger dans le délit ou le crime et de retourner en prison ? Quel sera pour les générations à venir le prix à payer d’une politique si ignorante de cette situation, et qui sommes-nous en train de punir de cette façon ? Dans quelle mesure le crime est-il désormais associé à une race et la couleurs de peau un facteur déterminant dans la damnation ?
En rendant compte des différents aspects de cette réalité, Jane Evelyn Atwood veut avant tout informer, mais sa photographie est aussi un appel urgent au changement. Premier reportage d’une telle ampleur sur un sujet aussi brûlant, il pose des questions plus que jamais d’actualité, alors que la population féminine des prisons ne cesse d’augmenter. Il nous en apprend également beaucoup sur les racines du crime : la pauvreté, les abus de toutes sortes, l’illetrisme. A travers son regard extrêmement sensible, son courage face à des situations parfois insoutenables, mais également une esthétique très sûre, Jane Evelyn Atwood nous parle de vérité, d’humanité et de souffrance.

Gabriel Bauret, 2000 
http://www.cna.public.lu/2_PHOTO/2_3_Portfolio/ATWOOD__Trop_de_peines-femmes_en_prison/#image2