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Date : 30-10-2004

2004 07 Prévention et traitement : la méthadone

Mise en ligne : 18 décembre 2004

Texte de l'article :

English
Romana

Pourquoi le traitement d’entretien à la méthadone ?
La méthadone est un narcotique de synthèse à action prolongée, qui se prend par voie orale, pour bloquer les symptômes de manque ou de sevrage des opioïdes comme l’héroïne. Plusieurs recommandent l’introduction ou l’expansion du traitement d’entretien à la méthadone (TEM) en prison, en tant que stratégie de prévention du VIH qui offre aux personnes opiomanes une option supplémentaire pour éviter d’utiliser et de partager du matériel d’injection. L’objectif principal du TEM est d’aider les personnes à cesser de s’injecter, non pas à cesser l’usage de drogue. La réduction de la dose de méthadone - dans le but ultime d’aider le patient à cesser l’usage de drogue - est un objectif à plus long terme.

Depuis le milieu des années 1990, les programmes de TEM ont rapidement pris de l’ampleur dans la communauté. Une quantité considérable de données d’études conclut à leur efficacité pour la réduction des comportements d’injection à risque de transmission du VIH. Les preuves sont aussi convaincantes du fait qu’il s’agit du traitement le plus efficace pour les personnes dépendantes de l’héroïne, dans la communauté, en termes de réduction de la mortalité, de consommation proprement dite et de criminalité. De plus, le TEM attire et retient davantage d’utilisateurs d’héroïne que n’importe quelle autre forme de traitement. En outre, il existe aussi des preuves que les personnes qui sont en TEM mais qui s’en voient retirées parce qu’elles entrent en prison recommencent souvent à utiliser des narcotiques, souvent en prison et par voie d’injection. Il a donc été largement recommandé que ce traitement puisse être poursuivi en prison lorsque la personne le suivait dans la communauté.

L’avènement du VIH/sida soulève des arguments en faveur d’offrir le TEM aux détenus qui ne le recevaient pas avant leur incarcération. En prison, bon nombre d’utilisateurs de drogue par injection continuent d’en consommer et ils sont plus susceptibles de partager du matériel d’injection, ce qui engendre un risque élevé de transmission du VIH (voir feuillets 2 et 3). Comme dans la communauté, la disponibilité du TEM présente un potentiel de réduire l’injection et le partage de seringues en prison.

Où ce traitement est-il offert ?
Dans le monde, de plus en plus de systèmes carcéraux offrent le TEM aux détenus, notamment dans la plupart des pays de l’Europe occidentale (à l’exclusion de la Grèce, de la Suède et de deux ressorts de l’Allemagne). Des programmes existent aussi en Australie et aux États-Unis (à Rikers Island, New York). En outre, un nombre croissant de pays de l’Europe de l’Est en amorcent dans leurs prisons ou prévoient le faire dans les prochaines années.

Au Canada, jusqu’à tout récemment, la méthadone était rarement prescrite en prison. Ceci a cependant changé, en partie à cause de recommandations incitant les systèmes carcéraux à offrir le TEM et en partie à cause d’actions en justice. En Colombie-Britannique, par exemple, une femme séropositive a intenté une action contre le système carcéral provincial qui refusait de lui donner accès à de la méthadone - on lui avait refusé la continuation du traitement qu’elle suivait avant d’être incarcérée. Elle a soutenu que, dans ces circonstances, sa détention était illégale. Les autorités carcérales l’ont donc fait examiner par un médecin, qui lui a prescrit de la méthadone, après quoi elle a retiré sa plainte. Un autre cas fut celui d’un homme qui avait développé depuis longtemps une « forte dépendance à l’héroïne » et qui a été condamné à une peine de détention de deux ans moins un jour (donc dans une prison provinciale, au Québec) pour le motif que cet établissement lui permettrait de recevoir un TEM. La défense a soutenu qu’il était nécessaire de s’occuper des causes à la base des crimes du prévenu, et que le traitement à la méthadone était essentiel pour vaincre sa dépendance.

En septembre 1996, la B.C. Corrections Branch a adopté une politique de continuer la provision de méthadone aux adultes incarcérés qui suivaient ce traitement dans la communauté avant leur incarcération, devenant le premier système carcéral au Canada à donner un accès uniforme au TEM. Le 1 décembre 1997, le Service correctionnel du Canada (SCC) lui a emboîté le pas. Aujourd’hui, dans le système fédéral et la plupart des systèmes provinciaux et territoriaux, les détenus qui suivaient ce traitement avant leur incarcération peuvent le poursuivre en prison. Cependant, rares sont les systèmes qui permettent aux détenus d’amorcer un TEM pendant la détention. Seul le système fédéral est doté d’un programme d’amorce du TEM ; le Québec, la Saskatchewan et le Yukon en permettent l’amorce dans des « circonstances exceptionnelles ».

Y a-t-il des alternatives ?
Certains systèmes carcéraux sont encore rébarbatifs à l’idée de rendre le TEM disponible ou d’accroître son accessibilité à ceux qui ne le recevaient pas avant l’incarcération. Certaines personnes considèrent la méthadone comme un stupéfiant parmi tant d’autres, dont la provision ne fait que retarder la croissance personnelle nécessaire à l’évolution vers une existence qui n’est pas centrée sur la drogue. D’autres s’y opposent pour des raisons d’ordre moral, en prétendant qu’il ne fait que remplacer une dépendance par une autre. Si l’on disposait de méthodes permettant de parvenir à une abstinence durable, on pourrait considérer que les bienfaits de la méthadone sont minces. Cependant, comme l’ont mis en relief Dolan et Wodak, il n’existe pas de telles alternatives et

[l]a majorité des patients dépendants de l’héroïne recommencent à s’en injecter après la désintoxication ; peu d’entre eux sont attirés par un traitement d’abstinence ou le poursuivent assez longtemps pour parvenir au but. Tout traitement qui, comme le TEM, réussit à conserver la moitié de ceux qui l’entreprennent, réduit considérablement leur usage d’opioïdes illicites et leur activité criminelle, et améliore leur santé et leur bien-être, accomplit beaucoup plus que de « seulement » substituer une drogue à une autre.
Depuis quelques années, des évaluations de programmes de TEM en prison, au Canada, en Australie et aux États-Unis, ont fourni des données claires sur leurs bienfaits.

Recommandation
Le TEM est une forme valable de traitement qui devrait être offerte aux personnes ayant une dépendance aux opiacés, indépendamment du fait qu’elles soient en prison ou en liberté.
 

Lectures complémentaires
De l’information sur l’accès au TEM dans les prisons au Canada - R. Lines, La lutte au VIH/sida dans nos prisons : trop peu, trop tard - Un rapport d’étape, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002. (Accessible via www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/prisons.htm)

T. Kerr, R. Jürgens, Methadone Maintenance Therapy in Prisons : Reviewing the Evidence, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida, 2004.
Accessible via www.aidslaw.ca/Maincontent/issues/prisons.htm

Service correctionnel du Canada, Rapport de recherche : Le traitement d’entretien à la méthadone en milieu carcéral : Incidence sur l’issue de la mise en liberté et le comportement en établissement, Ottawa, Direction de la recherche du SCC, 2002, (No R-119). (Accessible via www.csc-scc.gc.ca/text/rsrch/reports/reports_f.shtml )

Troisième version révisée et mise à jour, 2004. On peut télécharger ce feuillet à partir du site Web du Réseau juridique <http://www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/prisons.htm> ou le commander auprès du Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : aidssida@cpha.ca). Il est permis de faire et de distribuer (mais non de vendre) des copies de ce feuillet, en indiquant que l’information provient du Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information, veuillez contacter le Réseau juridique (tél. : (514) 397-6828, téléc. : (514) 397-8570, courriel : info@aidslaw.ca). This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les constats, interprétations et points de vue exprimés dans cette publication sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions ou politiques officielles de Santé Canada.

Site source Réseau juridique canadien VIH/sida, 2004