Je vous demande s’il serait possible de vous rencontrer, car je me suis pacsé avec un codétenu (…) et on n’arrête pas d’être insultés, menacés par deux surveillants jumeaux. Ainsi, mon conjoint a prévenu le parquet, le ministère de la Justice, la Haute Autorité, et déposé plainte à la demande de monsieur l’avocat général, et depuis, rien n’a été fait. »
C’est le 20 mars 2011 que l’association Ban public, dont le but est « de favoriser la communication sur les problématiques de l’incarcération et de la détention, et d’aider à la réinsertion des personnes détenues », a reçu cet appel au secours d’un détenu du centre pénitentiaire (CP) de Caen, victime d’homophobie.
Très vite, Benoit David, avocat et responsable du pôle juridique de l’association, a écrit à la direction du centre pénitentiaire de Caen, à la Direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP), au Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) – vers lequel la Halde avait orienté le couple – ainsi qu’à Noël Mamère, vice-président du groupe d’étude sur les prisons et les conditions de vie carcérale à l’Assemblée nationale, en vue d’une saisine de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. À ce jour, seul le CGLPL a fourni une réponse, et a engagé une enquête auprès de la direction de l’établissement.
Un second courrier du détenu a véritablement alarmé Benoit David. À la vue de cette correspondance, il semblerait qu’aucune mesure concrète n’ait été prise pour garantir la sécurité psychologique du couple. « On subit encore des insultes homophobes telles que « pédés », « bande d’enculés » « trainées, j’aurais honte de me pacser avec un homme », écrit le détenu. J’ai voulu en parler au sous-directeur de la détention et il a refusé de me rencontrer ou de rencontrer mon ami qui n’en peut plus. Il a même fait une tentative de suicide. »
« L’ENQUÊTE EST EN COURS »
Clément Cavelier, l’avocat du couple, n’est pas très optimiste : » Une enquête a été lancée mais ça n’ira pas loin. Le directeur du centre et les deux surveillants en cause ont été entendus par la police. L’absence de témoignages et de preuves va sans doute conduire à classer le dossier. J’ai discuté avec le directeur du centre, nous verrons ce qu’il adviendra, mais s’il y a toujours des insultes, ce n’est pas acceptable ».
« L’enquête est en cours, confirme Anne-Sophie Cortinovis, de la Direction interregionale des services pénitentiaires. S’il s’avère qu’il n’y a pas de preuves contre les agents, on ne pourra rien faire. Le fait d’avoir porté plainte peut néanmoins être un élément de vigilance pour la suite, et il y a eu des rappels à l’ordre auprès des membres du personnel. »
DES ANTÉCÉDENTS
Le Centre pénitentiaire de Caen, qui ne souhaite pas s’exprimer directement sur le sujet avant la fin de l’enquête, a cependant un passif homophobe récent. En effet, un tract du 9 décembre 2010 des syndicalistes de la CGT pénitentiaire du centre – pour une meilleure gestion des autorisations d’accès à la prison – semble confirmer la tendance homophobe et transphobe de certains membres du personnel (lire le trac). Il mentionne « un détenu interviewé, un autre détenu dont on ne sait pas si il est mâle ou femelle et qui nous enquiquine (pour ne pas dire autre chose) et accessoirement, nous fait passer pour des cons en extraction… ». La CGT pénitentiaire a néanmoins présenté des excuses pour ce texte très éloigné de ses revendications anti-discriminatoires, et rappelle qu’il s’agit d’un tract local édité sans accord préalable de la part des instances supérieures. Le comité local s’est donc vu rappeler que les propos homophobes et transphobes ne pouvaient être tolérés sous l’égide de la CGT pénitentiaire.
Même si des mesures sont prises au sortir de l’enquête, Ban public souligne néanmoins que « cela ne peut en aucun cas résoudre le problème de fond, c’est-à-dire un débat sur la sexualité et l’amour en prison ».