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28 mars 2002 - Requête en excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Limoges

Tribunal Administratif de Limoges


REQUETE EN EXCES DE POUVOIR


 

POUR : Monsieur Michel GHELLAM, né le 30 septembre 1959 à Fréjus (83), actuellement écroué à la maison centrale de Saint Maur 36 255 sous le numéro d’écrou 3795.

Ayant pour avocat Me Françoise LUNEAU, barreau des Hauts de Seine (PN 335), 175 quater boulevard Jean Jaurès 92100 Boulogne, téléphone : 01.46.04.59.59. Télécopie : 01.46.04.60.94.


CONTRE
 :

La décision du 13 février 2002 du directeur de la maison centrale de Saint Maur de placement en isolement,

La décision du 20 février 2002 de Monsieur Hugues BERBAIN, chef du Bureau de gestion de la détention auprès de la direction de l’administration pénitentiaire de PARIS,

Monsieur Michel GHELLAM a l’honneur de solliciter l’annulation des décisions précitées sur le fondement des observations suivantes :

 

1. Rappel des faits

Monsieur Michel GHELLAM était détenu jusqu’au mois de juin 2001 à la maison centrale de Moulins avant d’être transféré à la maison d’arrêt de la Santé puis à la maison d’arrêt de Fresnes.

Finalement, il se retrouve le 22 novembre 2001 de nouveau transféré à la maison centrale de Saint-Maur où il reste en isolement jusqu’au 10 décembre 2001.

A partir du 10 décembre 2001, Monsieur Michel GHELLAM a été détenu dans le cadre d’un régime dit de "détention ordinaire".

Néanmoins, le 13 février 2002, Monsieur GHELLAM a été conduit à l’isolement, sans information ni explication préalables et sans être présenté dans les formes prévues aux articles D 250 et suivants du code de procédure pénale.

Dans un premier temps, aucune décision de mise en isolement ne lui a été remise.

Puis, le 18 février 2002, Monsieur GHELLAM a été informé de la transmission à l’administration pénitentiaire de la décision de mise à l’isolement.

Le 26 février 2002, Monsieur GHELLAM s’est vu notifier une décision de " validation, en régularisation " de son placement en isolement, prononcée par Monsieur BERBAIN, chef du bureau de gestion de la détention de la direction de l’administration pénitentiaire, en date du 20 février 2002.

 

2. Sur le recours en excès de pouvoir

A. Sur la recevabilité du présent recours

L’article 283-2 dispose que "la mise à l’isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire".

Néanmoins, il est constant que toute décision d’une autorité administrative faisant grief à celui à l’encontre de laquelle elle a été édictée est susceptible d’un recours en excès de pouvoir.

La faculté d’introduire un recours en excès de pouvoir devant le Juge Administratif est d’ailleurs un Principe Fondamental du Droit Administratif.

Ce n’est donc qu’en appréciant in concreto si une décision de l’autorité administrative fait grief ou non à l’intéressé que les Juridictions administratives peuvent déterminer si un recours en excès de pouvoir est recevable ou non.

Dans le cas d’espèce, la décision administrative attaquée fait gravement grief à Monsieur GHELLAM ;

La mise en l’isolement a entraîné une modification certaine de ses conditions de détention, (déjà extrêmement difficiles en détention ordinaire) et par voie de conséquence de sa situation juridique.

La mise en isolement de Monsieur GHELLAM a indéniablement une incidence sur son état de santé moral et physique dans la mesure où il passe 23 heures sur 24 heures en cellule, l’heure de promenade se passant dans une cour sombre et exigue, là où le ciel ne peut s’apercevoir qu’à travers le grillage…

Le détenu est "isolé".

Cela veut dire qu’il est coupé du monde extérieur et des autres détenus dans la mesure où il lui est même interdit de communiquer avec qui que ce soit.

Au surplus, cette décision de placement à l’isolement est mentionnée sur la fiche carcérale, ce qui lui interdira certaines mesures d’assouplissement de peine.

La décision administrative attaquée fait particulièrement grief à Monsieur GHELLAM.

Mais surtout, il convient d’observer que la décision de mise à l’isolement en date du 13 février 2002 mentionne de façon expresse que Monsieur GHELLAM dispose du " droit de former un recours hiérarchique contre cette décision devant le directeur régional ".

Si cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours hiérarchique, c’est qu’il s’agit bien d’une décision faisant grief, qui peut donc régulièrement faire l’objet d’un recours en annulation auprès du juge administratif.

La possibilité laissée à Michel GHELLAM de formuler un recours hiérarchique implique nécessairement le droit de diligenter un recours contentieux en annulation.

Il s’agit bien d’une décision administrative susceptible d’un recours en excès de pouvoir.

Mais encore, il convient de rappeler l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme dispose :

Toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (…) "

La Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme énonce que droit de tout individu à un procès équitable est applicable en matière de contentieux disciplinaire.

Il s’agit d’un droit absolu reconnu dans le cadre d’une convention internationale ayant valeur supra légale, et en tout état de cause, supérieure aux dispositions réglementaires de l’article D 283-2 du Code de Procédure Pénale.

 

Pareillement, la Jurisprudence du Conseil d’Etat énonce que les mesures d’ordre Intérieur sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir dès lors qu’elles font grief à l’interessé (Conseil d’état, arrêt d’assemblée du 17 février 1995 " Marie Hardouin " ; Tribunal Administratif de PARIS, 16 mai 1995 " Astier " ; Tribunal Administratif de PARIS 6 décembre 1995 " Bekkouche ").

Selon cette Jurisprudence désormais établie, les sanctions prononcées par l’administration pénitentiaire à l’encontre des détenus sont susceptibles d’un recours en excès de pouvoir devant les Juridictions administratives.

En l’espèce, la décision de placement de Monsieur GHELLAM à l’isolement constitue, compte tenu des faits de l’espèce, une véritable sanction disciplinaire eu égard au passé judiciaire et carcéral du requérant.

 

En tout état de cause, Monsieur GHELLAM a été placé à l’isolement sans aucune explication préalable et sans être présenté à la commission de discipline de l’établissement dans les formes prévues aux articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale.

Il ne lui a pas été permis de présenter ses observations et de se faire assister par le conseil de son choix.

Aucune décision de placement en isolement ne lui a été remise lorsqu’il a été menée au Quartier d’Isolement.

La décision de " validation, en régularisation " de la mise en isolement de Monsieur GHELLAM en date du 20 février 2002 énonce par ailleurs que cette mesure a été appliquée à Monsieur GHELLAM en raison de " son comportement qui a contribué à déstabiliser la détention ".

A lire la seconde décision déférée, c’est bien cette circonstance qui a motivée le placement en isolement de Monsieur GHELLAM dès le 13 février 2002.

Il ne s’agit que d’un prétexte fallacieux pouvant s’assimiler à un mouvement collectif.

Or, la participation à un mouvement collectif de nature à perturber l’ordre de l’établissement constitue une faute disciplinaire de 2ème degré, par application de l’article D 249-2 du Code de Procédure Pénale ;

Dès lors, la décision de mise à l’isolement de Monsieur GHELLAM constituait bien une sanction disciplinaire, susceptible d’un recours en excès de pouvoir.

Il convient de souligner que Monsieur GHELLAM se trouve en isolement depuis 1993.

Dans ces conditions, le placement en isolement ayant duré plus d’un an, la décision devait être prise par le Ministère même dans un premier temps et non pas par la direction de l’établissement.

Le formulaire remis, après demande du conseil, à Monsieur GHELLAM précise clairement qu’il s’agit d’un placement dont la durée est inférieur à 1 an soit trois mois alors que Monsieur GHELLAM a déjà été placé en isolement depuis près de 10 années !

 

La procédure employée par l’administration est contraire aux règles de droit dans la mesure où le 18 février 2002, il n’appartenait pas à la direction de l’établissement de prendre une mesure dite "inférieure à un an pour 3 mois" !

Il est donc demandé au Tribunal de céans de déclarer recevable le présent recours en annulation.

 

B. Sur le fond

I - Sur l’annulation de la décision de placement à l’isolement de Michel GHELLAM en date du 13 février 2002 – défaut de motivation et erreur manifeste d’appréciation

Il convient de rappeler que Monsieur GHELLAM s’est vu conduire manu militari le 13 février 2002, sans explication ni information préalables, au quartier d’isolement de la maison centrale de Saint Maur (36).

Il ne lui a été remis aucune décision en ce sens émanant du directeur de la maison centrale de Saint Maur alors que Monsieur GHELLAM a déjà été placé en isolement depuis plus d’un an.

Ce ne sera que grâce à l’intervention de son conseil qu’il a pu obtenir une copie de ladite décision.

Cette décision mentionne :

Le détenu est placé à l’isolement par mesure d’ordre et de sécurité ".

A la lecture de la décision déférée, force est de constater qu’aucune circonstance de fait ou de droit ne justifie la mesure d’isolement prise à l’encontre de Michel GHELLAM.

Cette référence à une mesure " d’ordre et de sécurité " est parfaitement lacunaire, et en tout état de cause, insuffisante.

Il convient de souligner que l’administration pénitentiaire ne fait état d’aucun rapport ou aucune note pour étayer sa décision.

Or, Monsieur GHELLAM a bénéficié le 1er mars 2002 une réduction de peine de 88 jours en application de l’article 721 du Code de Procédure Pénale.

Suivant cette disposition, les remises de peines ne peuvent être accordées aux détenus qu’à la condition qu’ils aient " donné des preuves suffisantes de bonne conduite ".

L’on doit donc en déduire que par son comportement, Monsieur Michel GHELLAM a bien donné des preuves suffisantes de bonne conduite.

Dès lors, la décision du juge de l’application des peines vient contredire la motivation de la mesure de placement à l’isolement en date du 13 février 2002.

Le Tribunal constatera donc le défaut de motivation de la décision déférée.

Mais encore, la décision entreprise est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Force est de constater que depuis son arrestation en août 1993, Monsieur Michel GHELLAM a été placé à l’isolement.

Une mesure d’isolement est inhumaine, destructrice et procède plus du barbarisme que "d’une bonne administration de la sécurité carcérale".

Les dégradations liées à l’isolement sur le physique et le psychisme de l’être humain ont été étudiées et constatées par des Médecins et Professeurs renommés.

En parlant de l’isolement lors d’un colloque d’Amnesty international, Christiane VOLLAIRE, infirmière a déclaré :

"L’isolement tue. A cette agression qu’est l’absence de tout, le corps répond par le dérèglement de tout. Il est travaillé par l’isolement comme il le serait par n’importe qu’elle machine à torturer. Passé au laminoir de l’isolement le prisonnier en ressort souvent diminué à vie, physiquement et mentalement".

Monsieur GHELLAM produit des certificats médicaux établis par des médecins assermentés attestant de l’incompatibilité absolu de l’état de santé de Monsieur Michel GHELLAM avec une telle mesure d’isolement.

Le maintien du requérant à l’isolement a donc de très graves conséquences sur sa santé.

Il s’en suit que le placement à l’isolement de Monsieur Michel GHELLAM est parfaitement inadapté à sa situation médicale et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

L’annulation est donc encourue de ce chef.

II - Sur l’annulation de la décision en date du 20 février 2002

1. Sur l’incompétence de son auteur

L’article D 283-1 du Code de Procédure pénale dispose :

La mise à l’isolement est ordonnée par le chef d’établissement qui rend compte à bref délai au Directeur régional et au Juge d’Application des Peines "

En l’espèce, la décision de " validation, en régularisation " du placement à l’isolement de Monsieur GHELLAM a été prononcée par Monsieur BERBAIN, exerçant la fonction de chef du bureau de gestion de la détention au sein de l’administration pénitentiaire.

Monsieur BERBAIN n’est donc pas le " chef d’établissement ",

Au surplus, il convient de préciser que si les dispositions de l’article D 283-1 du Code de Procédure Pénale attribuent au ministre de la justice une compétence en matière de mise à l’isolement, cette compétence est limitée à la seule hypothèse de la prolongation au delà d’un an à compter de la décision initiale de mise à l’isolement suivant les termes de l’article D 283-1 alinéa 5 du Code de Procédure Pénale.

Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque Monsieur Michel GHELLAM se trouvait en régime de détention ordinaire depuis le 10 décembre 2001.

La décision entreprise porte donc sur un placement initial à l’isolement, pour laquelle le Chef d’Etablissement est seul compétent.

Qu’en tout état de cause, ni le directeur de l’administration pénitentiaire, ni le chef du bureau de la gestion de la détention n’ont une quelconque compétence pour " régulariser " une mesure de placement en isolement d’un détenu.

Qu’il n’est pas justifié que Monsieur BERBAIN soit bénéficiaire d’une quelconque délégation de pouvoir ou de compétence.

Dès lors, l’auteur de la décision déférée était incompétent pour prononcer la décision critiquée.

De surcroît, une telle décision compte tenu de la durée en isolement déjà effectuée par le requérant ne pouvait émettre directement du Ministère de la justice et non pas d’une direction régionale ou d’un directeur d’établissement pénitentiaire parfaitement incompétents compte tenu des faits d’espèce.

L’annulation est donc encourue de ce chef.

2. Sur la violation de la loi

La participation à un mouvement collectif de nature à perturber l’ordre de l’établissement constitue une faute disciplinaire de 2ème degré, par application de l’article D 249-2 du Code de Procédure Pénale.

En l’espèce, il est reproché à l’exposant dans la décision de validation de la mise en isolement de Monsieur GHELLAM en date du 20 février 2002 " un comportement qui a contribué à déstabiliser la détention. "

A lire cette décision, c’est bien cette circonstance qui a motivée la mise à l’isolement de Monsieur GHELLAM dès le 13 février 2002.

Le tribunal ne manquera pas de constater la modification de la motivation de la mesure d’isolement appliquée à Monsieur GHELLAM.

Qu’en effet, la décision en date du 13 février 2002 n’évoquait que des considération " d’ordre et de sécurité ".

Le 20 février 2002, cette motivation a été abandonnée au profit d’une référence un "comportement qui a contribué à déstabiliser la détention".

Cette modification de motivation trouve en réalité son origine dans la décision de transmission du directeur de la maison centrale de Saint Maur au ministre de la justice, qui s’agissant de Michel GHELLAM, évoquait le 18 février 2002 :

Ce détenu est placé à l’isolement par mesure d’ordre et de sécurité au motif que depuis son arrivée en détention ordinaire à SAINT MAUR, il a contribué à déstabiliser la détention en exerçant des pressions fortes sur un certain nombre de détenus et en préparant avec quelques individus de son entourage ce qui semble être des préparatifs à un projet d’évasion "

Il aura donc fallu cinq jours pour que la direction de la maison centrale de Saint Maur tente de motiver auprès de sa hiérarchie sa décision de placer Monsieur Michel GHELLAM à l’isolement…

Ce procédé est particulièrement surprenant dès lors qu’à lire la décision en date du 13 mars 2002, il n’était reproché à Michel GHELLAM aucune pression sur ses codétenus, ni aucun préparatif à un projet d’évasion.

Malgré un courrier du conseil de Monsieur GHELLAM, la direction de la maison centrale n’a pu fournir d’explications.

Il convient de souligner que la direction de la maison centrale aura bien du mal à produire un quelconque rapport d’incident dans la mesure où justement pendant les deux mois et deux jours de détention dite normale, la direction de la maison centrale n’a pu reproché au requérant une quelconque attitude.

En outre, Michel GHELLAM se trouvait le 18 février 2002 depuis 5 jours en cellule d’isolement, de sorte que tout contact avec les autres détenus lui était impossible.

Surtout l’on voit mal comment Monsieur GHELLAM aurait pu avoir la moindre relation que ce soit avec d’autres détenus, puisqu’il se trouvait justement dans l’interdiction totale d’avoir un contact avec les autres détenus.

La décision en date du 20 février 2002 se contente de reprendre d’un des élément avancé par le Directeur de la Maison Centrale de SAINT MAUR, à savoir qu’il est imputé à Michel GHELLAM " un comportement qui a contribué à déstabiliser la détention. "

La décision de validation en régularisation du placement de Monsieur GHELLAM à l’isolement constitue, compte tenu des faits de l’espèce, une véritable sanction disciplinaire.

Or, les articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale énoncent les règles relatives au prononcé des sanctions disciplinaires à l’encontre des détenus.

Notamment, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée hors la tenue de la commission de discipline régulièrement convoquée ;

Les détenus ont le droit d’être assister par un avocat et de s’entretenir librement avec lui avant le passage devant la Commission de discipline.

En l’espèce, Monsieur Michel GHELLAM a été placé à l’isolement sans aucune explication préalable.

Il n’a pas été présenté à la commission de discipline de l’établissement.

Il ne lui a pas été permis de présenter ses observations sur le motif invoqué par le ministère.

La décision de placement à l’isolement n’a pas été notifiée à Monsieur GHELLAM avant le 26 février 2002, alors même qu’elle avait été adressée par télécopie à la centrale de Saint Maur dès le 21 février 2002.

Dès lors, la décision en date du 20 février 2002 a été prononcée en violation des règles impératives énoncées aux articles D 250 et suivants du Code de Procédure Pénale.

La décision déférée encourt donc l’annulation de plus fort.

 

2. Sur le défaut de motivation et l’erreur manifeste d’appréciation

Pour motiver sa décision, le chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire de Paris se contente d’exposer, sans autrement en justifier, que Monsieur GHELLAM a été placé à l’isolement le 13 février 2002 en raison de son comportement qui a contribué à déstabiliser la détention.

Les motivations de la décision entreprise sont dépourvues de fondement tant en fait qu’en droit.

En l’état, ces accusations formulées à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM ne sont corroborées par aucun rapport dans lequel l’administration pénitentiaire aurait pu consigner – comme c’est l’usage – ni par aucun fait précis circonstancié imputable au détenu.

Monsieur Michel GHELLAM entend d’ailleurs contester formellement ces accusations mensongères.

Faute de justifier de la réalité et de la nature du comportement de Monsieur GHELLAM au sein de la maison centrale de Saint Maur, les seules allégations contenues dans la décision du 20 février 2002 ne pouvaient à elles seules constituer une motivation suffisante pour que Monsieur GHELLAM fasse l’objet de la décision attaquée.

Il convient de souligner que l’administration pénitentiaire ne fait état d’aucun rapport ou aucune note pour étayer sa décision.

Il convient de souligner que les termes "de déstabiliser la détention" sont, au demeurant, dénués de sens commun.

Mais surtout, Monsieur GHELLAM a bénéficié le 1er mars 2002 une réduction de peine de 88 jours en application de l’article 721 du Code de Procédure Pénale.

Suivant cette disposition, les remises de peines ne peuvent être accordées aux détenus qu’à la condition qu’ils aient " donné des preuves suffisantes de bonne conduite ".

L’on doit donc en déduire que par son comportement, Monsieur Michel GHELLAM a bien donné des preuves suffisantes de bonne conduite.

Dès lors, la décision du Juge de l’application des peines , postérieure au placement en isolement, vient contredire la motivation de la décision déférée.

Le Tribunal constatera donc le défaut de motivation de la décision déférée.

 

Mais encore, la décision entreprise est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Force est de constater que depuis son arrestation en août 1993, Monsieur Michel GHELLAM a été placé à l’isolement.

Une mesure d’isolement est inhumaine, destructrice et procède plus du barbarisme que "d’une bonne administration de la sécurité carcérale".

Les dégradations liées à l’isolement sur le physique et le psychisme de l’être humain ont été étudiées et constatées par des Médecins et Professeurs de renom.

En parlant de l’isolement lors d’un colloque d’Amnesty international, Christiane VOLLAIRE, infirmière a déclaré :

"L’isolement tue. A cette agression qu’est l’absence de tout, le corps répond par le dérèglement de tout. Il est travaillé par l’isolement comme il le serait par n’importe qu’elle machine à torturer. Passé au laminoir de l’isolement le prisonnier en ressort souvent diminué à vie, physiquement et mentalement".

Monsieur GHELLAM produit des certificats médicaux établis par des médecins attestant de l’incompatibilité absolu de l’état de santé de Monsieur Michel GHELLAM avec une telle mesure d’isolement.

Le maintien du requérant à l’isolement a donc de très graves conséquences sur sa santé et en rapporte la preuve.

Il s’en suit que le placement à l’isolement de Monsieur Michel GHELLAM est parfaitement inadapté à sa situation médicale et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

 

L’annulation est donc encourue de ce chef.

 

3. Sur la contradiction des termes de la décision entreprise

Il convient de rappeler que la décision déférée prononce " la validation, en régularisation " du placement initial de Monsieur GHELLAM à l’isolement du 13 février 2002, tout en énonçant que l’échéance de cette mesure est fixée au 13 mai 2002.

Pourtant, cette décision a pour titre : " Décision initiale pour une mesure d’isolement de plus d’un an ".

Il y a donc contradiction dans les termes de la décision, qui ne peut tout à la fois régulariser une mesure de placement à l’isolement pour une durée de 3 mois et fixer cette même durée à un an.

Les termes de la décision déférée ne permettent donc même pas d’en saisir le sens.

L’annulation est donc encourue de plus fort de ce chef.

 

Monsieur GHELLAM a été contraint d’exposer des frais irrépétibles qu’il serait inéquitables de laisser à sa charge ; Il conviendra de condamner l’Administration pénitentiaire au paiement d’une somme de 4000 Euros en application des dispositions du Code de Tribunaux Administratifs.

 

 

PAR CES MOTIFS

 

IL EST DEMANDE AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE  :

  • Dire et juger Monsieur GHELLAM recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,
  • Prononcer l’inexistence juridique de la décision du 13 février 2002,
  • Annuler la décision du 18 juin 2001 de Monsieur BERBAIN, chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire,
  • Enjoindre l’administration de verser aux débats les rapports établis dans le cadre du PEP
  • Condamner l’Etat au paiement d’une somme de 4.000 Euros au titre des frais irrépétibles de l’instance en application des dispositions du Code des Tribunaux Administratifs, ainsi qu’aux dépens.

 

Sous Toutes Réserves
Et ce sera Justice


Le 28 mars 2002
A Boulogne

 

Françoise LUNEAU
Avocat 

Pièces communiquées  :
Décision du 13 février 2002 du directeur de la maison centrale de Saint Maur
Décision du 18 février 2002 du directeur de la maison centrale de Saint Maur
Décision du 20 février 2002 du chef du bureau de gestion de la détention de l’administration pénitentiaire
Certificats médicaux
Fax du conseil de Michel GHELLAM en date du 05/03/2002
Décision du Juge de l’application des peines