Publié le lundi 7 mai 2012 | https://banpublic.org/8-les-mesures-de-surete/ 8. Les mesures de sûreté La mesure de sûreté a pour objectif principal de prévenir les troubles à la société et en ce sens ne doit pas avoir de caractère afflictif. Entre autres conséquences, la mesure de sûreté s’intéresse moins à la personne et à son évolution qu’à sa supposée dangerosité pour la société. 8.1 Le FIJAIS La loi 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a institué le FIJAIS. Ce fichier sert à : prévenir la récidive des auteurs d’infractions sexuelles déjà condamnés, faciliter l’identification des auteurs de ces mêmes infractions et les localiser rapidement et à tout moment. Le fichier est alimenté par les procureurs de la République et les juges d’instruction compétents. Des obligations résultent de l’inscription à ce fichier, en particulier celle de justifier de son adresse une fois par an et de déclarer ses changements d’adresses dans les quinze jours ; les personnes ayant commis "les infractions les plus graves" doivent, tous les six mois, justifier en personne de leur adresse, tout ceci à vie. Enfin, cette obligation de "pointage" a été portée à une fois par mois par la loi du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, dans deux hypothèses : d’une part, lorsque la dangerosité de la personne le justifie et à condition que la juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines en décide ainsi ; d’autre part, lorsque la personne est en état de récidive légale (le juge étant alors tenu de prévoir cette obligation de présentation). Témoignage de Nicolas Perrault, avocat, ancien bâtonnier du barreau de Versailles : 8.2 Le suivi socio-judiciaire La loi 1998-468 du 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, a institué le suivi socio-judiciaire. Il peut être prononcé par les juridictions à l’encontre des personnes condamnées pour certaines catégories d’infraction. Cette mesure est encourue pour les infractions à caractère sexuel ainsi que, depuis la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, pour les autres infractions les plus graves (actes de torture et de barbarie, meurtres, pyromanie...). 8.3 L’injonction de soins L’injonction de soins est prononcée dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire. Le juge de l’application des peines désigne un médecin coordonnateur sur une liste départementale de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation spécifique. Ce médecin est notamment chargé de transmettre au juge de l’application des peines les éléments nécessaires au contrôle de l’injonction des soins. La personne soumise à cette injonction choisit son médecin traitant en liaison avec le médecin coordonnateur. Cette mesure est relativement peu prononcée, essentiellement du fait de la pénurie de médecins susceptibles d’en assurer l’application. La non observation par la personne de l’injonction de soins (au même titre que n’importe quelle autre obligation fixée dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire) est sanctionnée par un emprisonnement. Comment se soigner quand on n’en fait pas soi-même le choix ? Comment se soigner quand le secret médical est forcément remis en cause par le contrôle qu’exerce le juge de l’application des peines ? Comment se soigner quand pèse la menace du retour en prison ? Une telle menace ôte toute liberté de choix. Elle impose l’adhésion de la personne et de fait peut d’ailleurs être une "adhésion stratégique", dont le bénéfice est loin d’être évident pour la personne. L’injonction de soins est finalement loin d’être un réel accompagnement thérapeutique ; le statut de patient(e)-condamné(e) a quelque chose de paradoxal. 8.4 La surveillance judiciaire La loi 2005-1549 du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, a créé la surveillance judiciaire. Elle consiste à contrôler des personnes ayant commis des infractions particulièrement graves, considérées comme "dangereuses" et susceptibles de récidiver. Le contrôle prend la même forme que celui défini dans le cadre du suivi socio-judiciaire (y compris l’injonction de soins). La durée maximale de cette surveillance est égale à celle des réductions de peines dont a bénéficié la personne durant son incarcération. 8.5 Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) Cette même loi a introduit le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM). Cette mesure s’applique dans le cadre soit du suivi socio-judiciaire, soit de la surveillance judiciaire, soit de la libération conditionnelle (aux auteurs des infractions pour lesquelles un suivi socio-judiciaire est encouru). La personne concernée doit donner son consentement mais, si elle refuse, peut être réincarcérée ! Le refus de cette mesure peut de toute évidence être motivé par le fait de voir les personnes chargées du contrôle être autorisées à pénétrer au cœur de sa vie privée. La durée maximale du placement est de 2 ans renouvelables une fois en matière correctionnelle et 2 fois en matière criminelle ; le placement est assorti d’obligations. Comment ne pas considérer cette mesure comme une atteinte à la liberté, compte tenu que tous les déplacements de la personne sont connus et que ces derniers sont limités ? En outre, porter en permanence un objet émetteur est particulièrement stigmatisant. Comme toute stigmatisation, elle induit une gêne psychologique permanente, une entrave, une forme d’empêchement. Le rapport Fenech sur le PSEM indique lui-même le caractère coercitif et stigmatisant ainsi les contraintes physiques et psychologiques rattachés à cette mesure : " Force est de constater que le PSEM constitue une mesure fortement restrictive de la liberté d’aller et venir. Il a en outre un impact sur la vie de famille et de ce fait présente le caractère d’une peine, non seulement au regard des principes du droit français, mais également au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Il résulte de la plupart des auditions réalisées par la mission que le PSEM, bien qu’ayant un aspect préventif, ne peut pas être conçu comme une simple mesure de sûreté et qu’il doit être clairement rattaché à la notion de peine." Dans ces conditions, la question de l’efficacité de la mesure n’a même pas à être posée ; des critères de sécurité, réelle ou supposée, ne peuvent pas précéder la question du respect des droits de l’Homme. 8.6 Conclusion Les différentes mesures de sûreté, par nature, réduisent la personne au concept de dangerosité puisqu’elles ont comme seul but de protéger la société d’un danger potentiel. Dans le cadre de ces mesures, des dispositions sont prises, relatives à des contraintes ou à des interdictions. Ces dispositions, en particulier les interdictions, s’appuient sur le principe de l’exclusion (de paraître dans certains lieux, d’exercer une profession au contact de mineurs, de contacter certaines personnes, d’exercer telle activité...), parfois même à vie, ou sont construites autour du concept de surveillance (PSEM, suivi socio judiciaire). |