Publié le lundi 22 octobre 2007 | https://banpublic.org/l-incarceration-des-detenus/ L’article pose la question de l’efficacité de la prise en charge sociale et des mesures de réinsertion proposées aux détenus étrangers. L’administration pénitentiaire française est-elle capable d’assurer un réel suivi de ces personnes incarcérées en France mais socialisées et insérées dans une autre société ? L’enquête de terrain menée en Alsace montre que la barrière linguistique rend difficile la prise en charge sociale. Ces inégalités sont aussi visibles dans l’application des aménagements de la peine. De ce suivi limité découle un vécu carcéral souvent marqué par l’isolement de la famille et des services pénitentiaires, l’incertitude et le renfermement sur les valeurs partagées avec les codétenus allemands. Abstract : The text raises questions about the effectiveness of the social programme and of the proposed reintegration measures for foreign inmates. Is the French penitentiary system capable of dealing properly with these people who are locked up in France but whose social and cultural roots lie in another society ? The survey conducted in Alsace shows that the linguistic barriers hinder the social programme. These inequalities are just as noticeable in the way in which reduced sentencing powers are applied. The consequence of this limited support is a prison existence that often evolves through isolation from family and prison services, leading to insecurity and a withdrawal to the familiar values shared with fellow German inmates. L’article 707 du code de procédure pénale prévoit que l’exécution des peines doit favoriser, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. Cette exigence doit également concerner les détenus étrangers, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent pas se réclamer de la nationalité française (définition INED). Alors qu’ils représentent 21,5 % au 1er janvier 2005 (ministère de la Justice, 2005, 7) de la population carcérale métropolitaine, peu de travaux s’intéressent à cette population. Faisons un rapide tour d’horizon des travaux existants afin d’y situer notre propre contribution [1]. Une grande partie des travaux qui présentent les détenus étrangers se limitent à ceux incarcérés pour des délits relatifs à l’entrée et au séjour en France (Gailliègue, 2000). Le travail le plus important sur la question des détenus étrangers a été fait par Tournier et ses collaborateurs (1991). En étudiant les statistiques judiciaires, policières et pénitentiaires, ils montrent que la surreprésentation des étrangers dans les prisons n’est pas liée à leur surdélinquance, mais aux catégories d’infractions pour lesquelles ils sont condamnés et à certains mécanismes du système judiciaire. Par ailleurs, à mode de jugement et infraction principale constants, les étrangers encourent des peines plus lourdes, puisque pour chacun de ces délits, leur taux de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme est supérieur à celui que l’on enregistre pour les nationaux. D’autres études montrent que les détenus étrangers présentent une situation socio-économique d’un plus grand niveau de précarité que les Français (Kensey, 1999). Nous avons centré notre recherche sur la prise en charge sociale par l’administration pénitentiaire et le vécu carcéral qui en découle. Afin d’approfondir notre savoir sur cette partie de la population carcérale, il convient, comme le revendique Chantraine (2003, 381), de passer d’« une sociologie de la prison » vers « une sociologie de l’expérience carcérale ». Ainsi avons-nous sollicité des individus qui, socialisés et insérés dans un autre pays et une autre culture, sont incarcérés en France [2] pour connaître leurs expériences du monde carcéral. [3] De même, l’étude se limite aux cas des détenus germanophones incarcérés en France, ce qui nous amène à nous concentrer uniquement sur la problématique franco-allemande. Ces personnes sont majoritairement arrêtées aux frontières françaises avec l’Espagne ou l’Italie et condamnées pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Tout au long de la procédure judiciaire et pendant le procès, elles sont incarcérées en maison d’arrêt dans ces régions frontalières françaises, loin du monde germanophone. La convention de transfèrement en Allemagne, adoptée par le Conseil de l’Europe en 1983 pour permettre aux personnes condamnées à plus de six mois de purger leur peine dans leur pays de résidence, est jugée souvent à la fois par les États et le détenu concerné trop coûteuse et longue à mettre en place. Dès lors, au lieu d’être transférés en Allemagne dans une société dont ils maîtrisent les codes linguistiques et comportementaux, la majorité des détenus allemands restent incarcérés en France, où ils sont, à leur demande et après une grande partie de la peine écoulée, transférés en Alsace. Notre travail pose la question des conséquences de cette incarcération à l’étranger sur le vécu des personnes et leur future réinsertion. Pour comprendre leur vécu, il est important de souligner que la situation du détenu allemand ne correspond pas à la définition connue de Simmel (1992a) de l’étranger. Celui-ci est à la marge de la société d’accueil et s’y est installé avec la volonté de refaire sa vie, tout en sachant bien qu’il sera peut-être amené un jour à se remettre en route. Les détenus allemands s’en distinguent en ce qu’ils sont retenus de force dans un pays et une culture étrangers. Nous allons voir comment ce défaut d’avenir en France influence sur leur vécu carcéral. La confrontation des dispositifs légaux à la réalité donnera un aperçu des limites de cette prise en charge, situation qui influencera fortement le vécu carcéral et le projet de réinsertion du détenu allemand. 1. Les limites de la prise en charge sociale et des mesures d’individualisation de la peine Ce sont les barrières linguistiques et culturelles qui constituent souvent un obstacle pour le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) chargé de favoriser l’accès aux droits et aux dispositifs d’insertion de droit commun des détenus (code de procédure pénale (CPP), Art. D. 573). Aucun budget n’étant alloué au recours à un interprète professionnel (OIP, 2005, 24), les conseillers d’insertion et de probation (CIP) ne peuvent que difficilement communiquer avec les détenus allemands. Les CIP, face à ces problèmes linguistiques, limitent la prise en charge au strict minimum. L’enquête sur le terrain montre, par exemple, que les familles de plusieurs détenus allemands ne sont informées de l’incarcération qu’une semaine - voire deux - après l’arrestation. Les cahiers d’arrivant et les règlements intérieurs rédigés uniquement en français laissent le détenu allemand dans un état d’incertitude total car il n’obtient aucune information officielle et fiable sur le fonctionnement de l’établissement et les perspectives de son incarcération. L’ambassade allemande en France remplit, dans ce cadre, une fonction importante : elle envoie à chaque citoyen allemand incarcéré en France une plaquette d’information sur le fonctionnement du système pénitentiaire français, sur les modalités de transfèrement international, et sur les mesures d’individualisation de la peine. De même, une communication au sein de l’établissement pénitentiaire majoritairement basée sur l’écrit rend l’accès aux différents services et acteurs difficile pour les détenus ne sachant pas écrire en français [4]. Les détenus allemands doivent alors passer par des codétenus ou des surveillants qui parlent l’allemand ou l’anglais pour accéder aux services et aux activités socioculturelles. Par conséquent, ils ne participent que rarement à ces activités destinées au développement des capacités sociales et individuelles chez le détenu. Nous allons voir que cet isolement marque leur vécu carcéral. C’est dans la préparation à la sortie, à la charge du SPIP [5], qu’apparaissent d’autres limites dans la capacité de réinsertion des détenus allemands. La complexité de leurs situations sociales et le manque d’information et de connaissance des structures d’accueil et d’aide en Allemagne mettent les CIP souvent dans l’incapacité de s’occuper suffisamment de la réinsertion de ces détenus. De plus, les Unités Pour Sortants (UPS) mises en place depuis une dizaine d’années pour faciliter les relations entre détenus et institutions sociales sont destinées uniquement à ceux allant vivre en France et non aux détenus étrangers qui ont un avis d’expulsion. À cela s’ajoute que les CIP pourtant autorisés par le CPP (Art. D. 573) à recourir à la participation, (...) de tous organismes publics et privés sont réticents à accepter le soutien d’associations spécialisées dans la prise en charge de détenus étrangers, telles que le Centre européen des justiciables, par peur d’une perte de leur pouvoir au sein de l’institution. Une majorité des détenus allemands sortent alors de prison sans préparation à la réinsertion, fait important lorsque des études montrent qu’une majorité des personnes récidivent lors des premiers pas en liberté (Colin, 1998). La politique d’ouverture de la prison aux intervenants extérieurs, amorcée dans les années 1970, ne permet pas d’assurer un suivi efficace et une réinsertion des détenus allemands. De même, les droits créances comme les droits à l’information, à la correspondance, au travail, à l’éducation et aux loisirs qui se multiplient en détention (Chauvenet, 1996, 55) et qui justement visent à promouvoir le mieux-être social des groupes défavorisés, profitent également moins aux détenus étrangers. L’organisation des visites au parloir qui sont limitées, notamment dans les maisons d’arrêt, à 30 minutes par mois, n’est pas réellement adaptée aux besoin des étrangers dont les familles viennent de loin. La recommandation du Conseil de l’Europe (1984, 3) qui dispose que les visites et les autres contacts avec le monde extérieur devraient être organisés de manière à répondre aux besoins spéciaux des détenus étrangers n’est pas suivi. L’accès au travail ou à l’enseignement est également plus difficile pour un détenu qui ne maîtrise pas le français. En effet, l’enquête montre, à la suite de Marchetti (1997, 68), que les étrangers font partie de la population carcérale la plus défavorisée, alors que la distance géographique rend le soutien familial difficile et exige des dépenses importantes (ex : cartes de téléphone). Leur méconnaissance de la langue les limite à des postes peu qualifiants. Les détenus allemands travaillent souvent au service général [6] ou dans des ateliers d’assemblage. Ces postes n’exigeant pas une maîtrise de la langue sont mal payés et peu stimulants dans la recherche d’un travail légal à l’extérieur. Cette situation évolue peu au fil de l’incarcération, car les établissements ne sont souvent pas en mesure de proposer de véritables cours de langue. Les détenus allemands rencontrés sont alors souvent, soit sur une liste d’attente, soit apprennent le français - indispensable à la vie carcérale - par leurs propres moyens. De plus, l’école n’étant pas rémunérée et les horaires avec le travail se chevauchant, les détenus choisissent souvent la nécessité économique. Si vous travaillez, vous ne pouvez pas aller à l’école. Il n’y a que l’un ou l’autre (Monsieur P., allemand, 52 ans, ILS, avant maison d’arrêt du sud de la France) [7] Ce sont les problèmes matériels immédiats qui prévalent donc sur le souci d’une réinsertion future (Marchetti, 1997, 79). Les détenus allemands préfèrent travailler que d’apprendre le français malgré une meilleure réinsertion dans leur pays d’origine avec ce capital linguistique acquis. Cette situation renforce un processus de fragilisation (Marchetti, 1997) de leur situation financière, sociale et familiale. 2. L’accès aux mesures d’individualisation de la peine J’ai toujours entendu que ça ne peut pas marcher pour des étrangers (Monsieur S., allemande, 42 ans, ILS, avant maison d’arrêt du sud de la France). Alors qu’elles permettent de préparer concrètement la réinsertion professionnelle ou sociale et de maintenir les liens familiaux, ces mesures d’individualisation ne sont pas octroyées par peur que le détenu, sans attaches au territoire, échappe à la surveillance de la justice française. Or, pour eux, un contact progressif avec la société extérieure est particulièrement important, car n’ayant pas vécu pendant la détention dans leur pays d’origine, ils peuvent rencontrer des véritables difficultés de réadaptation. Ce décalage entre normes et pratiques peut s’expliquer par le fait que l’État français préfère, pour réduire ses frais, limiter la prise en charge de ces détenus. Les mesures d’individualisation et d’aménagement de la peine doivent servir à limiter la récidive des détenus, mais comme ces personnes ont l’obligation de quitter le territoire français après leur incarcération, ils ne peuvent plus récidiver en France. C’est pour cela que les modalités d’attribution et de surveillance d’une libération conditionnelle sont plus souples pour les détenus allemands. Ils ne doivent pas faire preuve d’efforts sérieux de réadaptation sociale (CPP, Art. 729-2, D. 523, alinéa 2, D. 535, 4) et ils ne dépendent pas d’un agent probatoire après la libération [9]. Ainsi, soumis à l’interdiction du territoire après la libération, même anticipée, ils ne constituent plus un danger pour la société et la justice française. La justice assouvit alors son besoin de punition en condamnant l’étranger à une peine de prison ferme, mais sa détention et sa réinsertion ne la concernent plus. Il est évident que ce comportement ne correspond ni aux exigences humanitaires revendiquées par le Conseil de l’Europe, ni à la réalité européenne avec la libre circulation mais bien à des calculs financiers dans un esprit d’État-nation à court terme. Les moyens donnés pour lutter efficacement contre la délinquance et la récidive sont alors insuffisants et semblent peu efficaces. 3. Les conséquences sur le vécu carcéral Le vécu au sein de l’institution carcérale est au départ marqué par un sentiment de choc qui s’explique par l’entrée dans un monde jusque-là resté étranger. Dans un premier temps quand je suis arrivé et quand j’ai vu toutes les autres personnes, ça a été un choc mais avec le temps... (Monsieur E., originaire du Kosovo, droit de séjour en Allemagne, 29 ans, ILS, avant maison d’arrêt du sud de la France). Une autre dimension liée au fait de se trouver subitement retenu dans un pays et une culture dont on ne connaît pas la langue, ni les codes vient s’y ajouter. Se trouvant dans l’incapacité de communiquer, la personne passe du statut d’acteur intégré dans son univers social à celui d’étranger, d’exclu. (...) En tant qu’étranger, c’est quand même bizarre au début, parce qu’on arrive dans une culture qui est totalement étrangère. On ne comprend pas un mot (Monsieur Sp., allemand, 29 ans, ILS, avant maison d’arrêt en Alsace). Ne pouvant plus prévoir les codes comportementaux, les détenus perdent leur sécurité ontologique (Giddens, 2005, 100), indispensable pour le maintien du contrôle corporel et de l’action. En cherchant à sortir de cette situation, les détenus allemands prennent conscience de leur isolement par rapport aux acteurs institutionnels et au monde social extérieur. La parole qui constitue pour les CIP le moyen de contrôle de la population carcérale - qui permet de connaître les détenus - (Rostaing, 1996, 106), ne joue aucun rôle dans ce cas. Les détenus ont conscience que cet isolement peut avoir des conséquences graves sur la suite de l’incarcération et se sentent fragilisés. Et naturellement vous avez en prison le même problème, sauf qu’il est ici plus grave, parce que vous êtes forcés de vous faire comprendre par un moyen, je veux dire que ce ne sont pas les prochaines cinq minutes qui dépendent de cette compréhension mais la question de savoir si vous restez un, deux, trois ans de plus ou de moins (Monsieur L., autrichien, 60 ans, ILS, avant maison d’arrêt du nord de la France). Ils font aussi l’expérience que l’intégration dans le groupe des détenus est moins évidente, car l’échange verbal qui est au cœur de la compréhension usuelle (Schütz, 1987) fait défaut. Et au début, j’avais des grandes difficultés d’adaptation à cause de mes connaissances linguistiques (Monsieur W., allemand, 43 ans, ILS, avant maison d’arrêt région parisienne). La séparation renforcée vers l’extérieur, avec des liens familiaux souvent déjà fragiles et difficiles à entretenir sur des distances géographiques aussi grandes, est également source de souffrance et de révolte. Et bien sûr les possibilités pour garder les liens familiaux sont totalement merdiques. Une demie heure pour mille cinq cents kilomètres de voyage. C’est bien sûr une plaisanterie (M. P.). Alors, la proximité du réseau de relations extérieures joue un rôle important dans l’acceptation de la vie carcérale (Marchetti, Combessie, 1996). La prison est ressentie comme moins injuste lorsque des visites rythment la monotonie. De plus, l’impossibilité de communiquer avec l’extérieur ou de joindre certains de ses proches renforce les appauvrissements imputables à l’incarcération (Marchetti, Combessie 1996, 185). En ce sens la coupure du monde, l’une des caractéristiques de l’institution totale de Goffman (1968, 41), est très présente dans le vécu des Allemands. On peut alors parler d’un double isolement des détenus étrangers. Tous les contacts qui peuvent engager les premiers pas vers une réinsertion réussie font défaut. Cette situation amène les détenus à se replier sur eux-mêmes. - Et ça vous suffit comme contact ? - Eh, j’en ai besoin d’aucun (M. P.). Ce comportement peut être analysé comme de l’apathie, réaction que Bajoit (1988) ajoute à la typologie des réactions individuelles au mécontentement élaborée par Hirschman (1972). Le détenu allemand, démuni des moyens de communication les plus usuels, ne prend alors plus d’initiatives pour améliorer sa situation carcérale, mais cherche la solitude dans le sport ou la lecture. - Oui. Alors je préfère rester tout le temps en cellule et je ne vais pas... parce qu’il y a par exemple des gens qui vont... en promenade et qui parlent tout le temps sur des choses. - Ceci vous ne le faites pas ? Et vous n’allez pas en promenade ? - Non, très rarement (M. E.). De cette manière, l’individu s’évade vers un univers protégé où il est maître de la situation (Marchetti, 2001, 266). Il n’y a qu’une seule possibilité, les voyages ont lieu dans la tête. Qu’est-ce que vous voulez faire autrement, non (M. L.). La cellule joue aussi un rôle important car c’est le seul espace où l’acteur peut se retirer, se protéger d’un contact n’allant jamais de soi. Non, non, non. Chez moi, personne n’entre dans la cellule. (...) Je reste, je reste en dehors de tout ça. Je n’ai rien à avoir avec tout ça. Je ne veux rien avoir avec tout ça, j’ai moi-même des problèmes (M. P.). Cet isolement peut avoir des conséquences néfastes sur les compétences communicationnelles des détenus pour une future réinsertion. Certains rendent compte de difficultés de langage, conséquences selon Chantraine (2004), de l’adaptation passive à l’incarcération. Ce processus que Goffman appelle l’asilisation peut provoquer la perte de certaines habitudes courantes exigées par la vie en société (1968, 118). Ainsi, ne plus être habitué à parler en allemand face à des personnes institutionnelles peut rendre plus délicate la recherche d’emploi à la sortie dans le pays d’origine. De cet isolement découle pour beaucoup de détenus rencontrés un sentiment d’incertitude. Les contacts avec les CIP et les surveillants étant limités, ils n’ont qu’un accès réduit aux informations concernant le déroulement de la peine et les possibilités de son individualisation de la peine. Ceci leur donne l’impression d’être dépossédé de toute possibilité d’action. Ils ne peuvent se projeter dans le temps, imaginer des projets de vie, soit la définition même de la précarité. Oui dans chaque prison où je suis allé jusque-là. Dans chaque prison, où j’étais jusqu’ici. L’information est zéro (M. P.). Les détenus allemands ressentent alors un grand besoin d’information sur leur situation et leur avenir en détention face à cet état de droit flou (Herzog-Evans, 2004, 43). La seule chose dont j’ai besoin c’est un conseil juridique, où la personne me dit vraiment des choses. Après on est plus calme, on sait alors, tu dois encore attendre un mois et après tu peux leur (à la douane) écrire (M. P.). Seul le visiteur de prison permet à certains de rompre ce double isolement. Il devient une ressource majeure dans le vécu carcéral (Marchetti, 1997), car il est souvent la seule personne avec laquelle le détenu peut parler dans sa langue maternelle. Par ailleurs, il permet de maintenir le lien avec leur culture en apportant, par exemple, des journaux allemands. J’avais une très bonne visiteuse à Carcassonne, elle m’a rendu visite une fois par semaine, elle m’a toujours apporté des journaux allemands et elle avait aussi des contacts avec ma famille. Elle avait aussi des contacts avec ma fille. C’était une femme très gentille. Elle m’a rendu visite toutes les semaines (M. P.). Le visiteur constitue souvent le lien indispensable avec la famille en Allemagne. Il peut plus facilement prendre contact avec elle, lui expliquer la situation carcérale et l’héberger parfois même lors de la visite. Je l’ai grâce à Madame S., j’avais un très bon contact avec elle. Elle venait une fois par semaine me rendre visite, elle téléphonait avec ma femme. Madame S. est venu la chercher à l’aéroport... et ils ont, ma femme a dormi chez elle (M. P.). Ce contact donne au détenu la possibilité de sortir, le temps d’une visite, de son isolement, ce qui lui permet de prendre du recul par rapport à l’incarcération et d’avoir une expérience humaine positive, y compris avec la culture et la population française. C’est le visiteur de prison qui initie souvent le détenu allemand à une partie du stock de connaissance (Schütz, 1991) nécessaire pour comprendre les codes sociaux français. - C’était important pour vous d’avoir ce contact avec le monde extérieur ? - Je pense que oui. Parce que... surtout pour... des personnes qui n’ont pas de visite et aussi lorsqu’elles ne parlent pas la langue et dans des situations pareilles, c’est quand même important. Parce que je ne savais rien non plus sur la culture ou des trucs comme ça. Et j’étais obligé de m’y habituer... et ça c’était quand même difficile (M. E.). Les détenus, voulant redevenir des acteurs actifs dans l’univers carcéral, cherchent aussi des ressources à l’intérieur de la prison, chez les codétenus. En maison d’arrêt, le détenu avec lequel on partage la cellule est souvent le seul contact social régulier. Ces personnes s’entraident dans l’organisation de la vie quotidienne et dans le contact avec l’administration. Ce sont elles qui informent le nouvel arrivant sur les règles et conditions de la prison. Elles leur permettent alors d’acquérir une autre partie du stock de connaissance. - Elle (la CIP) vous a expliqué aussi comment ça se passe en prison ? - Non, non pas du tout. Ce sont des collègues en France... en prison (M. P.). Le collègue de cellule tient le nouveau arrivant au courant des mesures d’aménagement de la peine, et pallie ainsi, en partie, les failles de la prise en charge sociale. Le codétenu devient ici le substitut fonctionnel (Merton, 1997) du SPIP. - Et pour la libération conditionnelle... comment vous l’avez appris ? - Par des codétenus. Bien sûr. C’est la première chose que l’on apprend : combien de temps tu as. Aha, tout est clair, libération conditionnelle, bien. Ça s’apprend avec le temps. C’est normal. Des choses comme ça se passent en prison... comment, comment les choses au tribunal se déroulent, ça on apprend très rapidement. C’est... c’est ce qui nous intéresse (M. S.). Les codétenus aident aussi le détenu allemand dans la prise de contact avec les autorités en traduisant ou en écrivant des lettres en français. C’est grâce à cette entraide qu’ils peuvent partiellement rompre leur isolement. Ayant souvent fait des mauvaises expériences avec des courriers adressés aux autorités judicaires écrits en allemand ou en anglais, les détenus allemands sont désormais conscients de l’importance de la soumission au langage judiciaire français. Ils font alors appel à leurs collègues français pour écrire ou traduire le courrier adressé au CIP, au tribunal ou aux douanes. - Les Français ? Comment vous avez alors communiqué ? - Oui j’ai... j’ai écrit en allemand et l’autre collègue connaissait un peu le français, eh l’allemand. Il comprenait un peu et il a ensuite tout écrit en français (M. P.). Cette aide peut également faciliter la communication verbale avec les surveillants. Ou si je veux quelque chose du surveillant, je prends quelqu’un qui parle mieux français, je lui l’explique avec mon français très limité et lui il l’explique après (M. Sp.). Mais ce système d’entraide nécessite l’établissement d’une relation de confiance, car le détenu allemand doit livrer des informations souvent personnelles à un étranger. De plus, il ne maîtrise pas ce que son collègue dit ou écrit en français à sa place. Pour cela, certaines personnes rencontrées la refusent et continuent à subir les lacunes de la prise en charge institutionnelle. Coupés de leur univers familial et des institutions carcérales, ils finissent par trouver des repères en détention et par intégrer le modèle culturel (Schütz, 1987, 218-219) du groupe des détenus, ce qui ne va pas dans le sens d’une future réinsertion. Voulant s’affranchir dans une certaine mesure du statut d’étranger, ils respectent un code qui oblige les détenus à être loyaux entre détenus, à garder son sang-froid, à ne pas s’exploiter entre détenus, à faire preuve de courage et ne jamais faiblir dans l’adversité et à ne pas frayer avec l’ennemi, en l’occurrence les gardiens et la direction (Lemire, 1990, 36-37). Soit un certain nombre de valeurs éloignées des normes sociales extérieures. Personne ne se laisse opprimer, par personne. Ça n’existe pas ici. (...) Chacun sait pourquoi il est ici et chacun respecte l’autre. Et après ça marche. C’est probablement plus tolérant qu’à l’extérieur sur le... sur le lieu de travail quelque part. C’est... c’est tout simple, les règles ici,... celui qui croit qu’il doit dénoncer des gens, il va avoir quelques baffes. (...) De cette manière-là chacun fait ses bêtises et laisse les autres tranquilles, basta (M. Sp.). Viennent s’ajouter les valeurs hypermasculines d’honneur, de dureté (Wacquant, 2001, 41), c’est-à-dire l’obtention du respect individuel par l’exhibition agressive et l’actualisation périodique de la capacité à infliger de la violence physique, qui sont intégrées par les détenus allemands et leur permettent de se faire comprendre et respecter sans forcément recourir à l’usage de la langue. L’étude montre que ce sont bien ces codes qui assurent l’intercompréhension et la cohésion parmi les différentes appartenances culturelles. Un signe de cette intégration est le langage commun et l’utilisation, même lorsqu’ils parlent allemand, de termes français dont le sens est lié à l’univers carcéral. Par l’utilisation d’un certain argot (Graven, 1962), ils affichent ouvertement qu’ils font, à la différence de l’enquêtrice, partie du groupe des détenus. Carcassonne, da war die Promenade...so groß wie ein Tennisplatz(M. P.). solln wir Appel machen ? (M. W.). Ils se réfèrent également à ce que Simmel (1992b) appelle la typification. Les termes surveillant ou assistante sociale résument alors tout le savoir nécessaire sur un surveillant pour entrer en contact avec lui. Lorsque les détenus utilisent ces mots, ils le font pour évoquer précisément le concept qu’ils incarnent. Ceci résumant tout le stock de connaissance dont ils disposent maintenant en tant que membre interne à défaut d’une perspective d’insertion externe. (...) da hatten wir dann auch einen Surveillant (M. W.). Aussi, en ayant bien à l’esprit que les individus perçoivent l’environnement différemment en fonction de leur situation (Schütz, 1991), on comprend que les détenus allemands se considèrent à présent, pour lutter contre leur isolement par rapport aux autres acteurs, comme membre intégré d’une société criminelle mais multiculturelle. Cette union est d’autant plus efficace qu’elle se crée en opposition à la catégorie des détenus d’origine arabo-musulmane. Ce groupe de personnes défini, soit par l’origine culturelle, soit par l’appartenance à l’islam, occupe une place de plus en plus importante dans les prisons françaises (Khosrokhavar, 2004). Ce sont eux qui sont dès lors désignés comme étrangers et qui constituent l’adversaire qui est créateur d’unité, selon Simmel (1995). Les détenus allemands ne se vivent plus comme étrangers. - Et là vous n’êtes pas traités comme un étranger ? - Pourquoi ? Non. C’est... en prison c’est normal. Ici on rencontre des personnes de partout. Finalement chacun a ce tampon de criminel, tout le monde l’a quelque part sur le dos. C’est ok. Avec cette certitude on discute avec les gens. Chacun a son truc, l’un fait des hold-up, l’autre est un..., violeur peut-être pas, l’autre travaille avec des drogues, l’autre vole. Chacun a ainsi son paquet. Chacun raconte ses histoires qu’il a vécues (M. Sp.). Au delà de cette culture criminelle, c’est le type d’infraction qui relie aussi les détenus. La notion du Who’s who carcéral, développée par Chantraine (2004, 214), permet de saisir l’importance accordée à l’infraction commise pour constituer des cercles d’appartenance. Les détenus allemands, souvent incarcérés pour infraction à la législation des stupéfiants, sont intégrés dans le groupe des personnes condamnées pour la même raison. Souvent on a aussi différentes clientèles, l’un est dans cette branche, l’autre dans cette branche, les gens qui font la même branche, entre guillemets, ils sont souvent ensemble. C’est souvent comme ça en prison (M. S.). Ce mode d’organisation rend la prévention de la récidive plus difficile, car cette bourse de contact international participe à la construction de projets de vie davantage axés sur des carrières délinquantes que sur des carrières légitimes au regard de la loi. Ils parlent presque toujours des affaires. (...) On ne peut changer personne en prison. Lorsque quelqu’un a été un businessman, qui a trafiqué avec de la cocaïne ou avec du haschich ou de l’héroïne, il sort et continue à trafiquer. Ce n’est pas un problème pour lui. En prison, il apprend encore plus pour être plus malin (M. W.). Avec leur transfèrement en Alsace, le dernier épisode [10], qui fait resurgir les limites de la prise en charge, est atteint. Il est alors important de revenir sur leur statut d’étranger. Le désir de participation ne peut que difficilement avoir lieu puisque le détenu étranger fait involontairement partie de cette nouvelle société. Mais s’il veut sortir le plus rapidement possible, il sera obligé de s’y intégrer, d’adopter les règles de conduite et de communication. Nous sommes ici face à un paradoxe, déjà souligné par Rostaing (2001, 153) : l’administration pénitentiaire veut officiellement transformer l’individu, le désocialiser par des conditions de vie artificielles en l’isolant de son groupe familial, professionnel, amical et culturel pour le faire vivre en collectivité, avant de le réintégrer dans la société. Ce phénomène s’accentue dans le cas des détenus étrangers, qui arrivent véritablement dans une culture et une société qui leur sont étrangères et dans lesquelles ils sont forcés de s’intégrer pour un temps afin d’espérer en ressortir le plus rapidement possible. Mais les codes et les connaissances institutionnels acquis ne leur serviront à rien à la sortie car, interdits de séjour sur le territoire, ils doivent repartir dans leur pays d’origine. Ils ne peuvent espérer y refaire leur vie. Une question se pose alors : pourquoi faire des efforts d’intégration dans une société que l’on sait être obligé de quitter par la suite ? - Des cours de français ? - (...) Honnêtement, ça ne m’intéresse pas du tout. Ce que je sais dire en français ça me suffit. Je veux dire, je travaille tous les jours. Sauf cet après-midi, je suis libre, mais je n’ai pas envie d’aller encore une fois à l’école de trois heures à cinq heures. Pourquoi ? J’ai l’interdiction du territoire pour toute ma vie. Je n’ai plus besoin de cette langue après. C’est pour ça... que c’est totalement inintéressant (M. Sp.). Ce statut intermédiaire qu’ils occupent leur permet à la fois, en observateur désintéressé, de pointer des dysfonctionnements, des problèmes réels du système carcéral français, mais les contraint également au rôle d’hybride culturel (Schütz, 1987, 233). C’est alors qu’ils interprètent leurs mauvaises expériences et leurs souffrances d’une même manière : c’est la France qui est à l’origine de leur souffrance et de l’injustice. L’incapacité d’intégration devient ainsi dans certains cas une action consciente qui s’exprime par la haine de la langue et de la culture françaises. - Non. Français, je l’ai dit tout de suite quand j’étais à Fleury-Mérogis, je ne l’apprends pas. - Pourquoi pas ? - (...) j’ai maintenant une telle répugnance contre la France, alors apprendre la langue ce serait trop dommage (M. W.). Je préfère de m’en écarter. Je ne sais pas... j’ai... de toute façon je ne vais pas rester en France. Quand je vais sortir de prison, je vais toute de suite aller en Allemagne. Et je ne veux même pas le savoir, la culture et tout ça (M. E.). L’épisode alsacien est alors un moment-clé dans la détention pour les détenus allemands. Au delà du passage au centre de détention, mode d’incarcération par définition plus souple, c’est le rapprochement du monde germanophone qui rend l’incarcération plus facile. Il est vécu d’une manière très positive par les personnes, comme la solution à tous leurs problèmes. - Pour vous la situation s’est améliorée ? - Oui dans tous les cas. Les gens... sont plus sympas ici. Oui, je n’ai pas de problèmes ici (M. P.). Alors ici je n’ai aucun problème, ici presque tout le monde parle allemand. Mais là où j’étais, c’était quand même grave (M. E.). L’influence de l’écosystème social environnant (Combessie, 1996, 91) est très importante. En effet, la proximité avec l’Allemagne permet à l’administration pénitentiaire de proposer la télévision et des journaux allemands. Avec l’extrait suivant, on peut mesurer l’importance accordée à ce transfèrement, souvent vécu comme un pas vers la liberté. Parce que nous avons aussi la télé allemande... avant pendant deux ans je n’ai pas regardé la télé et... après un certain temps ça allait mais... c’est peut-être un peu bête de le dire, oui... la télévision allemande, mais pour moi c’était quand même quelque chose... c’est quand même mieux quand on comprend tout. Je me sens en quelque sorte plus libre. C’est aussi... si je sors maintenant, peut-être je rencontre quelqu’un qui parle avec moi en allemand, mais à Pau lorsque je croisais quelqu’un, alors je baissais la tête et je filais... c’était quand même dur (M. E.). Mais ce transfèrement vers l’Alsace a également une conséquence plus ambiguë. Une fois arrivés dans cette région, les Allemands s’isolent entre eux. Dans ce cercle social, ils peuvent à nouveau communiquer sans intermédiaire d’un tiers et sans efforts. Selon Goffman (1975, 36), les personnes appartenant à une catégorie stigmatisée donnée ont tendance à se rassembler en petits groupes sociaux dont les membres proviennent tous de cette catégorie. Désormais, c’est à l’intérieur de ce cercle, le groupe primaire (Lemire, 1990, 57), que les valeurs de solidarité et de cohésion prennent leur véritable signification. Mais cet épanouissement dans l’allemand va parfois tellement loin que les détenus se comportent comme s’ils étaient déjà en Allemagne. Ici, on ne parle qu’allemand (il rit). Le chef parle assez bien allemand... ils parlent tous assez bien allemand. Ce n’est pas un problème ici, je me sens comme en Allemagne (M. E.). Ils s’adressent alors en allemand à tous les interlocuteurs et certains CIP leur reprochent de se sentir trop en Allemagne et de ne plus respecter les règles pénitentiaires françaises, contrairement à ce qu’ils avaient pu acquérir ailleurs. On assiste alors aux conséquences non intentionnelles de la mesure entreprise par l’administration pénitentiaire afin de faciliter la réinsertion des détenus allemands. Ils ont été transférés pour rendre leur prise en charge plus efficace. Mais ils se referment complètement sur leur univers germanophone et refusent souvent de travailler avec leur CIP qui est, selon eux, trop orienté sur une problématique française. De même, les activités qui ont pour but de réinsérer les détenus deviennent moins intéressantes puisqu’ils peuvent désormais s’occuper suffisamment en parlant avec les autres et en regardant la télévision. Les détenus allemands sont alors passés par différentes étapes dans leur vécu carcéral. Ils débutent entièrement isolés, pour finir par s’intégrer partiellement dans la société carcérale. Mais cette intégration reste très limitée et ne concerne pas la culture ou la société française. C’est ainsi qu’ils terminent leur séjour carcéral en France à nouveau isolés mais en communauté et de manière délibérée. Conclusion Les différents acteurs et services chargés de préparer progressivement la réinsertion sont en difficulté face à la barrière linguistique et culturelle qui caractérise ces détenus. Délaissés par l’institution, ils cherchent parmi le groupe des codétenus les repères et le soutien nécessaires pour affronter le quotidien carcéral. Cette nouvelle culture acquise les éloigne encore davantage d’un parcours menant vers une réintégration possible. Le transfert vers l’Alsace entrepris par l’administration pénitentiaire pour maîtriser à nouveau leur réinsertion, favorise un renfermement sur le groupe allemand et la rupture des derniers contacts avec l’institution. Le détenu allemand, ayant souvent perdu les dernières attaches qui le liaient à un monde social extérieur à la détention, doit se donner des perspectives d’avenir avec les moyens et contacts qui se présentent mais qui l’inscrivent davantage dans une carrière déviante. La prévention de la récidive semble alors peu efficace aujourd’hui. Pour parer à cette limite de l’accompagnement, il paraîtrait intéressant, soit de faire en sorte que l’institution pénitentiaire prenne en compte le plus tôt possible la spécificité du détenu étranger, lui permettant ainsi une socialisation autre que celle proposée par ses codétenus, soit d’envisager concrètement l’application des mesures de transfèrement de façon à permettre à l’institution pénitentiaire de chaque pays d’organiser la réinsertion de ses ressortissants. Mais ces mesures demandent des moyens économiques importants qui semblent peu populaires dans une société civile où la pression sécuritaire prévaut. Un débat public sur le traitement des personnes enfermées qu’appelle Faugeron (2000, 41) est alors indispensable si on ne veut pas que la mise en garde formulée par Gil-Roblès dans son rapport sur les prisons françaises (2006, 26), la prison devient un dépôt et non un lieu où se prépare la réinsertion, demeure une réalité. Bibliographie Chantraine G., 2003, Prison, désaffiliation, stigmates, l’engrenage carcéral de l’ « inutile du monde » contemporain, Déviance et société, vol. 27, n°4, 363-387. Chantraine G., 2004, Par-delà les murs, PUF, Paris. Chauvenet A., 1996, L’échange et la prison, in : Faugeron C., Chauvenet A., Combessie Ph. (Eds.), Approches de la prison, De Boeck Université, Bruxelles, 45-70. Code de procédure pénale, 2004, Édition 2005, Dalloz, Paris. Colin P., 1998, La multirécidive pénitentiaire : analyse sociologique des contextes de la multirécidive pénitentiaire chez des hommes condamnés à de courtes peines pour atteintes aux biens, thèse de sociologie nouveau régime, Strasbourg, Université Marc Bloch. Colin P., Klinger M., 2004, Vécu carcérale et situation d’illettrisme, Déviance et Société, vol. 28, n°1, 33-55. Combessie Ph., 1996, Écosystème social et distribution des pouvoirs en prison, in : Faugeron C., Chauvenet A., Combessie Ph. (Eds.), Approches de la prison, De Boeck Université, Bruxelles, 71-99. Conseil de l’Europe, 1964, Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition, Strasbourg. Conseil de l’Europe, 1984, Recommandation N° R (84) 12 du Comité des ministres aux États membres concernant les détenus étrangers, adoptée le 21 juin 1984, Strasbourg. Conseil de l’Europe, 1989, Recommandation N° R (89) 12 sur l’éducation en prison, Strasbourg. 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Warner K., 1998, Le rôle de la motivation dans l’éducation en prison, in Conseil de l’Europe, Bulletin d’information pénologique, n°21, 18-20. Source Emily Trombik [1] Celle-ci est le fruit d’une recherche menée en 2005 dans le cadre du mémoire de maîtrise de sociologie à l’université Marc Bloch à Strasbourg intitulé Le vécu carcéral des détenus allemands en France [2] Un stage effectué au centre européen des justiciables (service de prise en charge sociale des détenus allemands incarcérés en France) dans l’association ACCORD 67 à Strasbourg de décembre 2004 à juin 2005 a permis de mener une enquête de terrain comprenant des entretiens semi-directifs en allemand avec six personnes germanophones incarcérées au centre de détention à Oermingen et des conversations informelles avec des CIP et des surveillants. Une première rencontre avec les personnes a lieu dans le cadre de la prise en charge par le centre européen des justiciables, lors de laquelle le détenu est informé de l’enquête. Lorsque celui-ci accepte d’y participer, un autre rendez-vous est fixé où l’enquêtrice le rencontre seul au parloir famille. [3] Nous excluons volontairement les étrangers qui résident en France et qui n’arrivent pas, par l’incarcération, dans une culture et une langue qui leur sont étrangères [4] Depuis le milieu des années 1980, on assiste à la substitution progressive de la communication orale au profit de la communication écrite dans la plupart des établissements pénitentiaires (Colin, Klinger, 2004, 37) [5] 5 Le SPIP est chargé de favoriser l’accès de chaque personne libérée aux droits sociaux et aux dispositifs d’insertion et de santé. Il doit s’assurer également que la personne libérée bénéficie d’un hébergement dans les premiers temps de sa libération CPP, Art. D. 478 [6] Ce sont tous les travaux à accomplir pour le fonctionnement de la prison (cuisine, nettoyage...) [7] Tous les extraits d’entretien sont traduits de l’allemand [8] Le juge d’application des peines peut accorder des mesures telles que le placement à l’extérieur, la semi-liberté, les réductions de peine, la libération conditionnelle et le placement sous surveillance électronique ainsi qu’une permission temporaire de sortir [9] Le Conseil de l’Europe a mis en place une Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition (1964). Cette disposition permettrait au service de probation allemand d’assurer le suivi et le contrôle prévus par le SPIP français. L’État allemand n’ayant pas ratifié cette convention, cette prise en charge continue n’est actuellement pas possible [10] A. Giddens (2005, 122) considère que toute la vie sociale peut se concevoir comme une série d’épisodes |