L’article 723-3 du code de procédure pénale (CPP) stipule que "La permission de sortir autorise un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution. Elle a pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d’accomplir une obligation exigeant sa présence." Concrètement, en 2007, 53 511 permissions de sortir ont été accordées (Source : chiffres-clés de la Justice 2008). Ce chiffre peut paraître important, mais, outre qu’il est présenté comme une "valeur estimée", il masque surtout une réalité très contrastée.
Les permissions de sortir d’une journée peuvent être accordées aux personnes condamnées à des peines inférieures à 5 ans pour, par exemple, passer un examen, rencontrer un futur employeur dans la perspective d’une libération conditionnelle, se rendre à une consultation médicale, ou encore, depuis un décret du 16 novembre 2007, exercer son droit de vote. Les permissions, également d’une journée, placées sur les samedis, dimanches, jours fériés ou chômés, sont réservées aux personnes en semi-liberté, en placement extérieur ou sous surveillance électronique (fixe). Des permissions de sortir de 3 jours au maximum sont accordées pour le maintien des liens familiaux ou en vue de la réintégration, à condition d’avoir exécuté la moitié de la peine (le 1/3 pour les personnes incarcérées en CD, les 2/3 pour les personnes en situation de récidive) et qu’il reste moins de 3 ans, et sans condition de délai pour les peines de moins d’1 an. Pour les personnes incarcérées en CD, la durée de la permission peut être portée à 5 jours, voire 10 jours une fois par an. Ces différentes dispositions ne s’appliquent pas durant la période de sûreté, lorsqu’une telle peine a été prononcée. En outre, durant la permission, la personne peut être soumise à des obligations ou à des interdictions imposées par le juge de l’application des peines (JAP). Enfin, les permissions de sortir sont discrétionnaires et cela induit par nature des disparités selon le JAP, ou le tribunal de l’application des peines, qui prend la décision. Cet aspect discrétionnaire porte également sur la fréquence des permissions qui n’est pas fixée par la loi. Elle résulte d’un usage, mais celui-ci peut varier d’un établissement à un autre. Il est souvent constaté que les permissions de sortir ont rarement une fréquence supérieure à 1 par mois pour les personnes condamnées à de longues peines.
Il ressort de cette réglementation que, pour certaines personnes, il n’y a de possibilité de sortir en permission qu’à la toute fin de leur peine (et encore), alors que cette modalité permet de garder un contact avec l’extérieur, ce qui favorise la réintégration dans la communauté au moment de la sortie. La fin de la peine arrive parfois après de nombreuses années de prison et comment ne pas imaginer le décalage vécue par les personnes, après 10 ans, 20 ans, ou plus, passés derrière les murs ? Il n’est pas rare que des personnes ne puissent pas quitter l’établissement alors que leur présence auprès d’un parent malade serait nécessaire ou bien que la mort d’un parent proche justifierait amplement leur présence au sein de la famille. Certes, l’article 723-6 du CPP précise que "Tout condamné peut, dans les conditions de l’article 712-5 [c’est-à-dire décision prise, sauf exception, après avis de la commission de l’application des peines] obtenir, à titre exceptionnel, une autorisation de sortie sous escorte", mais cette disposition n’est pas toujours mise en application. Que penser de la façon dont est vécue l’interdiction de sortir, trop souvent formulée à l’occasion de la mort d’un proche ? En outre, les conditions de la sortie sous escorte (personnel éventuellement en uniforme, usage possible des menottes) ne sont pas toujours heureuses eu égard aux circonstances qui motivent la sortie, s’il s’agit de circonstances familiales.
Des permissions de sortir devraient pouvoir être accordées dès le début de la peine. Le fait qu’il existe des règles relatives à l’exécution du tiers ou de la moitié de la peine selon la nature de l’établissement d’incarcération est, d’une certaine manière, contraire au principe d’individualisation. Le fait de bénéficier de permissions de sortir ne devrait pas être une condition d’irrecevabilité pour une demande d’accès à une unité de vie familiale (lorsque l’établissement en est doté), ce qui est actuellement le cas. Les permissions de sortir sont une façon de retisser des liens avec le monde extérieur, liens que l’enfermement distend chaque jour un peu plus. Présenté ainsi, ce fonctionnement est presque paradoxal : on enferme et on laisse sortir avec une extrême parcimonie pour tenter de réparer quelques uns des effets délétères de la prison.
La rédaction
Ban Public
Août 2008