Introduction
En France l’expression « lieux privatifs de liberté » ou « lieux de privation de liberté » (LPL) désigne un ensemble de lieux au sein desquels des personnes sont privées de leur liberté d’aller et venir par décision judiciaire, administrative ou médicale. Le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) institué par la loi du 30 octobre 2007 a dressé une liste non-exhaustive des catégories de LPL qui correspondent à son champ de compétence, dont 5 500 ont pu être dénombrés parmi lesquels :
- 191 établissements pénitentiaires (EP) : dont 116 maisons d’arrêt, 60 établissements pour peine, 13 centres de semi-liberté ;
- 28 centres éducatifs fermés (CEF) ;
- 25 centres de rétention administrative (CRA), dont 20 gérés par la police nationale (PN), 5 par la gendarmerie nationale (GN) et une centaine de locaux de rétention administrative (LRA) ;
- Plus de 4 000 chambres de sûreté (plus communément appelées locaux de garde à vue ou chambres de dégrisement), dont 3 600 relèvent de la GN et 419 de la PN ;
- Une centaine de zones d’attente (ZA) des ports, aéroports et gares, dont une dizaine ont une activité régulière ;
- 138 locaux d’arrêt des armées ;
- Plus d’un millier de secteurs psychiatriques des centres hospitaliers.
Cette liste non exhaustive constitue le champ d’étude de ce mémoire professionnel.
Une question essentielle concerne le statut des personnes accueillies dans ces « établissements ». Il faut distinguer sans équivoque les « travailleurs » au sens du code du travail (qu’ils soient salariés ou non de l’établissement) et le public au sens de l’article R 143.2
du CCH. L’interrogation majeure porte sur ce dernier ensemble. En effet, si la réglementation considère les patients des centres hospitaliers ou de soins quels qu’ils soient comme du public, le statut des personnes détenues, retenues ou gardées à vue est beaucoup plus abstrait.
Leur situation juridique et le contexte particulier de leur « passage dans l’établissement » ne permet pas de les considérer comme du public au sens du règlement de sécurité et encore moins comme des travailleurs. Malgré l’absence d’un statut clairement déterminé au regard de la réglementation incendie, ces personnes disposent des mêmes droits fondamentaux que la population tels qu’ils sont précisés par la jurisprudence1 et le CCGLPL, à l’exclusion de la liberté d’aller et venir, mais ils conservent le droit à la sécurité. Il convient donc de mettre en œuvre les mesures nécessaires et suffisantes afin d’offrir le même niveau de sécurité à tous. Ainsi, se pose clairement la question de l’existence de textes réglementaires, et de l’efficacité des mesures qu’ils déclinent en matière de sécurité contre l’incendie.
En corolaire, la diversité des LPL est-elle une entrave à la mise en œuvre de règles communes à des sites qui partagent le même enjeu de devoir garantir la sécurité de personnes que l’on prive de leur capacité à se soustraire seul de l’exposition à un sinistre ?
En effet, des hôpitaux aux centre pénitentiaires, en passant par des locaux de garde à vue ou des
CRA, les acteurs sont divers et les réponses n’étant pas prévues par un règlement spécifique unique, il est nécessaire de s’interroger sur les solutions apportées par chacun.
Enfin, l’évolution des modalités de détention voit émerger de nouvelles exigences comme la volonté d’intégrer la resocialisation de détenus avant leur sortie, à la fin de leur période, d’adapter des peines avec des mesures de semi-liberté ou l’intention d’empêcher les
déplacements de personnes avant leur raccompagnement vers les frontières. Elles peuvent alors nécessiter une nouvelle approche permettant d’atteindre les deux objectifs de garantir la mission de ces lieux et d’assurer le droit fondamental des personnes à la sécurité.
Ainsi, dans une première partie, nous nous attacherons à identifier les LPL pour distinguer leurs objectifs et le régime juridique dont ils relèvent. Cela permettra d’envisager la diversité des acteurs en responsabilité, de dresser un bilan des enjeux humain et des projets notables à venir. Puis dans une seconde partie, nous identifierons les principes et concepts de prévention propres à chaque type de lieu ainsi que les textes sur lesquels ils s’appuient. Ainsi, il sera possible d’identifier les difficultés générées pour leur application et leurs conséquences au travers de l’analyse de risques. A partir de ces observations, des propositions visant à renforcer la sécurité des personnes en fournissant des outils aux préventionnistes, par des mesures techniques, humaines et organisationnelles seront exposées dans une troisième partie.
1 CE- 17 décembre 2008, OIP-SF n°305594