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Évaluation du niveau de compréhension par les patients de l’audience avec le Juge des libertés et de la détention. Étude COMPAJULI

Type : HTML

Taille : 138 octets

Date : 6-05-2025

  • Mémoire

Tiphaine MARTINAGE

Évaluation du niveau de compréhension par les patients de l’audience avec le Juge des libertés et de la détention.

Étude COMPAJULI

Mise en ligne : 7 mai

En psychiatrie, les soins sans consentement font partie intégrante de la pratique clinique et représentent une part non négligeable des hospitalisations depuis des centaines d’années. De nos jours, ils sont encadrés par la loi du 5 juillet 2011, qui réforme une précédente loi datant de 1990. Cette réforme a pour but de garantir le droit et la protection des personnes hospitalisées pour des troubles mentaux. Pour cela, la loi introduit une judiciarisation de la procédure de soins sous contrainte par l’intermédiaire de l’audience devant le Juge des libertés et de la détention (JLD), réalisée avant les 12 jours d’hospitalisation. Peu d’études se sont jusqu’ici intéressées à la question de la compréhension et du ressenti des patients hospitalisés sans leur consentement. L’objectif de cette étude est de déterminer le niveau de COMpréhension des PAtients de l’intérêt de l’audience avec le JUge des LIbertés et de la détention

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Texte de l'article :

Matériel et Méthode : L’étude COMPAJULI est une étude pilote, observationnelle, prospective et monocentrique menée sur l’EPSM Lille-Métropole. Nous avons recueilli dans un premier temps les renseignements cliniques de 46 patients, obtenus à partir de leurs dossiers et des certificats médicaux psychiatriques ; puis nous avons réalisé un hétéro-questionnaire de 22 questions entre J8 et J10 après le début de l’hospitalisation. Nous avons également analysé le niveau d’anxiété des patients avant l’audience avec le JLD, par l’intermédiaire de l’échelle d’ anxiété état-trait de Spielberger. 

Résultats : Notre étude a mis en évidence un niveau d’anxiété faible à très faible avant l’audience avec le JLD. Le niveau de compréhension des patients de l’intérêt de l’audience est globalement mauvais. Le seul critère statistiquement significatif qui permette de différencier les 2 groupes de patients ayant une bonne ou une mauvaise compréhension objective de l’intérêt de l’audience devant le JLD, est le fait d’avoir reçu une explication claire sur le déroulement de l’audience. 

Conclusion :

Au cours de son histoire, la psychiatrie n’a pas été présentée comme une discipline centrée
sur le soin, mais plutôt sur l’enfermement et la sécurisation (2). Il faut attendre le XXème siècle pour commencer à voir apparaître une approche plus thérapeutique. D’une part, grâce à l’apparition des premiers neuroleptiques dans les années cinquante, et d’autre part, par la diversification des modes de prise en charge comme la sectorisation dans les années soixante (1).

Grâce à la loi du 4 mars 2002, le droit à l’information et le consentement du malade
deviennent des droits du patient et non plus simplement des devoirs professionnels. On s’éloigne progressivement de la vision paternaliste qui a longtemps dirigé la pratique du soin en France. Cet ancien modèle était problématique, car il créait ainsi un déséquilibre dans la relation thérapeutique ; puisque selon le principe de bienfaisance, le soignant choisi de réaliser certains actes pour le bien du malade sans que cet acte ne puisse être réellement contesté (2).

De nouvelles approches émergent progressivement, comme celle de l’empowerment, notion apparue au XIXème siècle. Il s’agit d’un mouvement d’émancipation dans lequel le sujet cherche à reprendre du pouvoir sur sa propre vie et qui repose sur les trois piliers suivants : choisir, participer, comprendre (35).

Cependant, comme le souligne notre étude, il existe bel et bien un problème de délivrance d’information aux patients et surtout d’explications de cette information sur l’audience avec le JLD dans les soins sans consentement. Cela impacte directement le patient en limitant un de ses droits essentiels, le droit à l’information, sans lequel il ne peut y avoir aucun consentement libre et éclairé aux soins. En 2017, le film documentaire Douze jours de Raymond Depardon qui met en scène différentes audiences avec le JLD, illustre parfaitement le désarroi et parfois l’incompréhension des patients face à cette machine juridictionnelle.

Ainsi, par la prise en compte des facteurs socio-démographiques et de la présentation
clinique des participants, notre étude COMPAJULI a souhaité porter la lumière sur la nécessité de définir de manière plus approfondie, voire de façon standardisée, les modalités de transmission de l’information médicale aux patients. Les pistes d’amélioration de l’information et du consentement des patients hospitalisés sous contrainte sont liées au contenu des explications à leur délivrer. Dans un objectif, de remise en question fréquente de notre pratique du soin en tant que psychiatre, pour le bien-être du patient et le respect de ses droits fondamentaux.