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1 Le travail en prison est une servitude archaïque contraire à la dignité Humaine 

En prison, près de 60 % des personnes incarcérées sont au chômage alors que l’obtention d’un travail est de droit (l’article 720 du code de procédure pénale (CCP) dispose“ toutes dispositions sont prises pour assurer une activité de travail et de formation professionnelle aux personnes incarcérées qui le souhaitent ”). Celui ou celle qui doit travailler pour assurer sa survie mais aussi, on l’oublie souvent, pour celle de sa famille à l’extérieur, est contraint à la docilité et à la servilité. La concurrence est rude entre détenu(e)s. En quantité limitée, chacun espère l’obtenir car « les activités de travail et de formation professionnelle sont prises en compte pour l’appréciation des gages de réintégration et de bonne conduite des condamné-e-s » La peine peut diminuer à mesure que l’on « se tue à la tâche ». Les salaires sont très maigres voire insignifiants (200 euros mensuel en moyenne) en comparaison des prix de cantine (acquisition de bien de consommation - parfois interdits à la vente) qui sont pratiqués de manière excessive (jusqu’à deux fois les prix du marché) par nombre d’établissements pénitentiaires. A cela s’ajoute, le respect inégal des normes de sécurité et d’hygiène (le travail dans une cellule de 9m² bien qu’intolérable est une pratique courante notamment.). Les activités proposées sont le plus souvent déqualifiées et disqualifiantes. Les formations professionnelles proposées sont pour le moins inadaptées à la réalité du monde du travail (formation dans des secteurs sans avenir, comme le textile).
La tendance accélérée vers une privatisation du travail pénitentiaire renforce cette réalité de fait. De plus en plus soumises à « ces donneurs d’ordres privés », les personnes incarcérées représentent une main-d’œuvre corvéable, rapidement disponible et à un coût défiant toute concurrence. Elles deviennent alors, les jouets des opportunismes économiques. 
Force est de constater que l’Etat échoue dans sa mission de service public pénitentiaire. L’obligation de moyens « de favoriser la réintégration sociale des personnes incarcérées », introduite par le législateur en 1987, n’a pu se réaliser. Si le manque réel de moyens techniques et financiers qui n’ont pu être investis est une des causes de cet échec, l’absence obstinée de droit du travail en est l’élément le plus bloquant. Car ce vide juridique a pour conséquence funeste de plonger le (la) travailleur(se) détenu(e) dans une extrême vulnérabilité qui rappelle les conditions de travail dans les manufactures royales du XVIème siècle. A défaut de droit reconnu, le travail en prison n’est qu’une amère servitude quasi volontaire et une peine supplémentaire illégitime.
Si ce « travail-servitude » permet une saturation du temps carcéral pour la course à un pécule de survie, il est irrecevable de le présenter comme un travail restructurant, remplissant une fonction psychologique d’identification sociale, gage de « réintégration sociale » : le seul temps de progrès individuel et collectif en prison, celui de l’étude et de la culture, s’en trouve réduit à une peau de chagrin, concurrentielle avec celui du sport et de la promenade. Le travail en prison est un outil puissant de « management pénitentiaire » qui renforce l’ordre et maintient une forme perfide de « paix sociale ».